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Les découvertes des deux savans allemands sont fondées sur les observations les plus rigoureuses, et méritent d’être rangées parmi les plus belles conquêtes des sciences positives. Leur méthode, en même temps qu’elle a donné un moyen d’explorer en quelque sorte le soleil à distance, a fourni à l’analyse chimique un procédé d’investigation d’une délicatesse inouïe, presque miraculeuse. On peut hardiment affirmer que, par cette méthode, la minéralogie pourra être rajeunie et renouvelée, que la chimie agrandira son empire et abordera des problèmes autrefois insolubles. En attendant, le résultat capital de ces belles études, celui qui intéresse le plus la philosophie de la nature, est déjà obtenu : l’identité entre les matériaux qui composent le soleil et la terre est démontrée. L’unité chimique de notre système planétaire est mise hors de contestation.

Ce n’est pas là une découverte indifférente : l’homme a pris longtemps pour le centre du monde le petit globe excentrique qui l’emporte, il a cru qu’entre lui-même et la nature minérale ou organique il n’y avait aucun lien, aucun rapport. Nous savons aujourd’hui que matériellement nous ne différons en rien de tout ce qui nous entoure ; nous sommes des laboratoires vivans où passent toutes les substances terrestres. On nous démontre présentement que ces substances terrestres remplissent tout notre système planétaire : nous étions déjà unis à l’animal, à la plante, à l’eau, à la poussière, à l’infiniment petit ; nous le sommes maintenant au soleil, à l’infiniment grand.

Les alchimistes avaient instinctivement soupçonné l’unité de composition chimique du système planétaire ; du moins ils avaient, en vertu de certaines idées mystiques, établi des rapports entre les divers métaux et les corps qui circulent autour du soleil ; ils n’oublièrent jamais les astres en recherchant le grand problème de la transmutation des métaux. Il faut être indulgent pour ces aberrations de l’esprit humain, car la vérité elle-même à parfois quelque chose de si étrange, de si magique, qu’elle jette la pensée dans le doute et le rêve. Il faudrait avoir l’imagination bien appauvrie pour assister avec indifférence aux expériences de MM. Kirchhoff et Bunsen. La matière du soleil analysée dans la lumière qu’il nous envoie ! ce qu’il y a de plus subtil, de plus insaisissable, devenu l’objet des mesures les plus précises ! N’y a-t-il pas de quoi provoquer l’étonnement et l’admiration ? Dans sa chambre obscure, le physicien laisse entrer un rayon solaire ; là, tranquillement, à son aise, il compare des flammes artificielles à cette flamme qui inonde l’univers, qui verse la vie, la chaleur à des distances que notre pensée ne peut apprécier, et de cette comparaison il arrive à déduire