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peu juste, car l’idée d’un spectre ne s’accommode pas bien avec celle d’un éventail de lumière dont la plus riche palette ne saurait reproduire tous les tons. Les bandes colorées de l’arc-en-ciel ne sont qu’un spectre solaire pâle et très, affaibli, produit par la réfraction des rayons dans les gouttelettes de pluie, et les jeux de lumière qu’on admire dans les bulles de savon rappellent mieux l’éclat du spectre obtenu dans la chambre obscure.

Tant qu’on s’est contenté de recevoir un faisceau lumineux sur un prisme, d’en regarder les rayons brisés sur une feuille de papier, une étoffe blanche ou un mur, on n’a vu dans le spectre que les sept couleurs élémentaires, sans y faire d’autres découvertes ; mais le spectre, comme tout objet lumineux, peut être étudié avec des instrumens optiques grossissans, et c’est en l’explorant de cette façon que vers 1814 le savant allemand Frauenhofer a observé des singularités dont la découverte immortalisera son nom. Le spectre, on l’a vu, est formé d’une infinité de bandes lumineuses accolées, de nuances différentes : c’est une sorte de drapeau, non pas tricolore, mais omnicolore ; parmi toutes ces zones colorées parallèles, Frauenhofer a le premier aperçu des bandes ou plutôt des lignes noires, non-seulement vers les deux extrémités du spectre où la lumière se fond avec l’obscurité, mais dans les parties les plus brillantes et dans toutes les couleurs. Il a reconnu que ces lignes ont des places invariables dans le spectre, et depuis cette époque elles ont conservé les noms alphabétiques qu’il-leur assigna : on dit encore aujourd’hui la ligne A, B ou C de Frauenhofer, et en parlant ainsi les physiciens savent tout de suite dans quelle partie du spectre se trouvent ces raies.

Avec des instrumens plus délicats et des prismes plus parfaits, on a trouvé dans le spectre beaucoup plus de lignes obscures que Frauenhofer n’en avait signalé. En 1860, le physicien anglais sir David Brewster, auquel l’optique doit de si heureuses découvertes, a donné un dessin du spectre sillonné d’une multitude de ces raies, et, dans les études qu’il vient d’achever, M. Kirchhoff a employé des appareils si délicats qu’il a vu, — c’est son expression, — plusieurs milliers de raies obscures dans le spectre solaire.

Un phénomène reconnu, la raison doit l’interpréter. Comment comprendre que la lumière renferme des parties obscures, et que, le rayon blanc s’épanouissant en gerbe irisée, il y ait des lacunes dans la série des rayons colorés ? Chacun de ces rayons a un pouvoir de réfraction qui lui est propre, et c’est en vertu même de cette diversité des pouvoirs réfringens que la lumière blanche se décompose dans le prisme ; mais pourquoi les rayons d’une certaine réfrangibilité font-ils défaut, tandis que ceux dont la réfrangibilité