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s’est faite l’expérience mesure environ 60 mètres cubes. Après quelques minutes, la flamme, se colorant en jaune fauve, présenta avec une grande intensité la raie caractéristique du sodium, et cette raie ne s’effaça complètement qu’après dix minutes. D’après la capacité de la salle et le poids du sel employé pour l’expérience, on trouve facilement que l’air de la salle ne contenait en suspension qu’un vingt-millionième de son poids de sodium. En admettant qu’une seconde suffise pour observer très commodément la réaction, et que pendant ce temps la flamme emploie 50 centimètres cubes ou 0,0647 grammes d’air ne contenant qu’un vingt-millionième de milligramme de sel de soude, on peut calculer que l’œil perçoit très distinctement la présence de moins d’un trois-millionième de milligramme de sel de soude. En présence d’une pareille sensibilité, on comprendra qu’il soit rare que l’air atmosphérique, porté à une haute température, ne présente pas la réaction du sodium. La surface de la terre est plus qu’aux deux tiers couverte d’une solution de chlorure de sodium, qui, par le choc des vagues, produit continuellement de la poussière d’eau ; les gouttelettes d’eau de mer répandues ainsi dans l’atmosphère abandonnent par l’évaporation une poussière très ténue de chlorure de sodium, qui constitue un élément atmosphérique variable quant à la proportion, mais qui parait rarement faire défaut dans l’air. »

Rien n’est plus facile que de faire apparaître la raie jaune du sodium dans un spectre obtenu avec la flamme peu brillante d’une lampe à gaz ordinaire, Pendant que j’avais l’œil à la lunette par où je regardais le spectre très affaibli d’une telle lampe, M. Grandeau, le chimiste qui répéta obligeamment pour moi au laboratoire de l’École normale les expériences de MM. Bunsen et Kirchhoff, frappa plusieurs fois de la main sur la manche de son habit, et je vis la raie jaune du sodium se dessiner, comme un éclair fugitif, sur le champ presque obscur de la lunette. Le choc d’une main sur un habit avait suffi pour faire arriver dans le gaz en combustion quelques molécules de sodium mêlées à la poussière, et ces rares molécules avaient immédiatement exercé leur influence presque magique sur les propriétés de la lumière ! M. Grandeau, au moment où il m’initia aux expériences des deux savans allemands qui l’avaient eux-mêmes, à Heidelberg, rendu témoin de leurs merveilleuses recherches, était occupé à analyser l’eau minérale de Bourbonne-les-Bains, et. venait d’y trouver les deux nouveaux métaux que MM. Kirchhoff et Bunsen avaient découverts dans l’eau de Dürckheim. Il prit quelques gouttes de l’eau de Bourbonne, les porta dans la flamme, où elles se vaporisèrent en un moment, et j’eus très bien le temps d’apercevoir sur le champ du spectre les raies qui