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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1862.

Nous sommes enfin délivrés du grand souci de l’affaire du Trent. Le cabinet de Washington a donné pleine satisfaction aux réclamations du gouvernement anglais. Nous avons maintenant le mot de la conduite du gouvernement américain. Nous savons que jamais, depuis le premier jour, M. Lincoln et M. Seward n’ont entendu qu’une querelle entre les États-Unis et l’Angleterre pût sortir de la capture de MM. Mason et Slidell. Quand on considère aujourd’hui le sang-froid et la modération dont le gouvernement américain ne s’est pas un seul instant départi dans cette affaire, et lorsqu’on songe aux six semaines d’alarmes que cet incident a infligées à l’Europe, il est difficile de ne pas être un peu honteux d’un contraste qui tourne si peu à notre avantage. Nous avons tout redouté de la part des États-Unis, et il s’est trouvé en définitive qu’aucune de nos craintes n’était fondée. L’Europe, au premier moment, s’était figuré que le commandant du San-Jacinto n’avait agi que conformément aux instructions de son gouvernement, et en réalité le capitaine Wilkes n’avait pris conseil que de lui-même. On était convaincu en Europe que le peuple américain se passionnerait pour la capture des représentans des traîtres du sud, qu’il se laisserait surtout emporter par un sentiment de haine et de jalousie contre l’Angleterre, et au contraire la démocratie américaine a conservé, devant un acte qui pouvait flatter son ignorance, son orgueil et ses préjugés, le calme le plus parfait. On croyait en Europe que le gouvernement américain, jouet de la vile multitude, se laisserait dicter ses décisions par les mouvemens tumultueux du mob, et subirait l’invasion de la loi de Lynch dans la politique internationale ; or jamais le gouvernement américain ne s’est montré plus maître de ses pensées et de ses résolutions qu’en cette circonstance : non-seulement il n’a pas eu à céder à la pression des masses, il n’a pas même eu à tenir compte de l’opinion du congrès. Ni la chambre des représentans, ni le sénat, ne sont intervenus dans le litige diplomatique ; le congrès a ignoré jusqu’au dernier moment et les termes où la