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à lui, c’était la réalisation de son idéal politique : la puissance rendue aux lois, le contrôle efficace rendu aux communes, la royauté tenue en bride par les représentans du pays. Pour en arriver là, que de sacrifices ne fallait-il pas arracher encore à l’obstination dissimulée du monarque ! Or, si l’on triomphait d’elle sur le point où l’honneur du prince, la reconnaissance de l’homme, le respect des promesses, les calculs mêmes de la politique devaient la rendre inébranlable, on n’avait plus devant soi d’obstacles dont on dût désespérer de venir à bout.

Et pourtant ce triomphe cachait un immense péril. Strafford s’était défendu avec une merveilleuse habileté. Il était mort avec un courage héroïque. Le courage et l’habileté ne perdent jamais leurs droits. Oublieux du passé, le peuple anglais éprouvait d’ailleurs pour le monarque « opprimé » ce sentiment généreux qu’on accorde à la faiblesse, même coupable. De plus, l’enthousiasme public, si manifeste au début de la lutte, s’était affaissé. Des germes de dissolution existaient au sein de cette majorité compacte qui venait d’accomplir en quelques jours, grâce à l’union de ses membres, ce qu’on eût pu croire le travail d’un siècle. Aucun de ces symptômes n’échappait à Charles Ier. Il n’avait marché si vite dans la voie, des concessions qu’avec la secrète pensée de reprendre ; quand il aurait pu ramener la force matérielle de son côté, ce que la contrainte morale lui aurait arraché. Tout consentement obtenu violemment est nul ipso facto, se disait-il, et son attorney-general, à ce qu’il paraît, consulté sur ce point de casuistique gouvernementale, l’avait résolu à la complète satisfaction du monarque[1]. Aussi, dès qu’il entrevoit la chance possible d’une réaction, Charles se met à l’œuvre sans délai, sans scrupules. L’armée du nord, levée naguère contre les Écossais, était encore sur pied en grande partie. Bon nombre d’officiers étaient royalistes ; des communications fréquentes s’établirent, un complot s’ourdit pour ramener, à jour dit, ces troupes du côté de Londres. Dans le covenant écossais, des dissentimens personnels s’étaient glissés. Il y avait là aussi une armée en voie de licenciement. Moyennant triage, elle peut fournir quelques régimens à la cause royale. Une insurrection fomentée parmi les catholiques d’Irlande va bientôt éclater et donnera prétexte au roi de lever de nouvelles troupes. Ces troupes, dont le parlement ne pourra s’empêcher de voter la paie en des circonstances si urgentes, serviront contre lui dès que les troubles irlandais auront pu être apaisés. En ce qui regarde les communes, les

  1. Clarendon, Life and Continuation, t. Ier, p. 206-211.