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privilège féodal oblige à la modération celui qui en profite. Un avantage accessoire, qui compense pour l’Anglais les rigueurs de son climat, est l’abondance et le bon marché des combustibles. À Londres, où le charbon de terre supporte une taxe spéciale, le prix de la tonne (1,016 kilos) est d’environ 25 francs, et la consommation y dépasse 2 tonnes par habitant. En ramenant à la puissance calorique de la houille les combustibles de toute sorte en usage à Paris, on trouve que la consommation équivaut à 700 kilogrammes par tête.

Pour peu qu’on étudie le système industriel de l’Angleterre, on remarque qu’il a pour principe, non pas la satisfaction d’une coquetterie idéale, mais la production par grandes masses des objets les plus indispensables à la multitude. Cette direction donnée aux manufacturés assure, en ce qui concerné le vêtement, des facilités incomparables au consommateur britannique. Sans reproduire des supputations et des décomptes infinie qui ne seraient pas à leur place, voici, en résumé et par aperçu, les résultats ressortant de la comparaison de l’année 1859. En Angleterre, la quantité de coton employée et réservée pour l’usage intérieur donne à chaque habitant une moyenne de 4 kilogrammes par année. En France, la consommation intérieure n’atteint pas 2 kilogrammes. — Pour les tissus de lin et de chanvre, les éléments d’appréciation ne présentent pas la même exactitude. Dans un rapport écrit en 1851 à propos de l’exposition de Londres, M. Legentil est parvenu à établir, en tourmentant un peu les chiffres, que la consommation en toile d’un Français est annuellement de 6 francs 55 centimes, tandis que celle d’un habitant de la Grande-Bretagne est limitée à 4 francs 75 centimes. Il faut avouer que nos rivaux, inférieurs dans cette seule spécialité, ont amplement pris leur revanche. Napoléon pour vaincre les Anglais sur leur propre terrain, avait offert un million à l’inventeur d’une machine propre à filer le lin. Philippe de Girard est mort, hélas ! sans avoir touché son million, et il a travaillé moins pour nous que pour les Anglais. Rien ne m’indique que notre industrie linière ait progressé depuis dix ans, du moins comme quantité produite. Je trouve même que l’exportation des fils, qui était de 207,000 kilogrammes en 1837, est tombée à 181,000 kilogrammes en 1859. Les Anglais au contraire ont doublé non-seulement leur exportation, mais leur consommation domestique. En 1859, après avoir expédié, tant en fil qu’en toile, 46 millions de kilogrammes, il en est resté pour les besoins de l’intérieur plus de 80 millions, qui, au prix moyen de 3 francs 50 centimes, correspondent pour chaque habitant à une consommation dépassant 2 kilogrammes 3/4 en quantité, et 9 francs 55 centimes en valeur. Pour la laine, voici les résultats : la France travaille 104 millions de kilos et en exporté 18 ; les 86 millions débités