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de nature à flatter l’amour-propre du pays et de ses gouvernemens. Nous n’ignorons pas que l’intérêt des petits rentiers a toujours chance d’avoir de chaleureux et sensibles partisans, lorsqu’il est mis en-balance de l’intérêt de l’état, comme si l’état était un être de raison, et comme si la masse des contribuables peu fortunés qui alimentent le revenu public n’était pas également digne de sympathie. On argue encore de la difficulté que présentera toujours l’opération de la réduction d’une dette de 173 millions de rentes ; on ne croit pas qu’il soit facile de trouver un levier financier assez puissant pour entraîner un si grand nombre de rentiers à opter pour la réduction du revenu et non pour le remboursement. Si d’ailleurs la conversion facultative ne réunit pas l’unanimité des rentiers, s’il reste encore un 4 1/2, ce fonds du moins sera notablement affaibli, et l’on pourra avec plus de sécurité tenter sur le 4 1/2 réfractaire des opérations financières plus profitables au trésor. On allègue la ressource, immédiate que procurera l’opération actuelle, et qui viendra en atténuation du découvert. Nous ne méprisons pas sans doute ces divers argumens, mais nous ne pouvons nous empêcher de déplorer cette triste et périodique mésaventure qui oblige un pays aussi opulent que la France à vendre si souvent, sous la pression de difficultés accidentelles, son droit d’aînesse pour un plat de lentilles.

Quoi qu’il en soit, après avoir si longtemps désiré que l’attention de la France fût ramenée vers ses affaires intérieures, après avoir réclamé si souvent qu’un travail de coordination et d’unité s’accomplît dans notre politique financière, nous aurions mauvaise grâce à refuser un accueil courtois aux efforts qui se font vers la politique que nous avons conseillée. Nous souhaitons sincèrement que les labeurs de M. Fould fassent des loisirs à M. Thouvenel. Le président de notre corps législatif s’attend évidemment a une session très affairée, et nous n’avons pas non plus à protester contre l’avertissement qu’il a cru devoir donner a la chambre au sujet des discours écrits, nous qui nous sommes élevés en plusieurs circonstances contre ce système de harangues. Nous ne goûtons pas moins que M. de Morny l’autorité des exemples du parlement anglais. Une pratique séculaire a été pour les assemblées britanniques le meilleur et le plus éprouvé des règlemens. Il y a d’autres exemples encore à suivre dans les usages parlementaires de nos voisins que la nécessité pour les orateurs de parler de leur place et l’interdiction des discours écrits. Nous rêvons de voir un jour à la tête, de nos assemblées des présidens à l’impassible impartialité, tels que le speaker et le lord chancelier, de vrais présidens qui s’abstiennent d’interrompre les orateurs et de changer le tour des discussions. Ce n’est point sans doute à leur perruque que les speakers sont redevables de leur silencieuse et inaltérable patience. Trop souvent nos présidens ressemblent à des instituteurs devant une école d’enseignement mutuel ; et il est à remarquer que ceux qui ont passé pour les meilleurs parmi nous dépassaient presque toujours leurs écoliers en malice et en espiègleries.