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arrivé le second ? Là est en effet un vice réel dans notre organisation judiciaire, où le magistrat sans patrimoine est voué à la pauvreté. L’Angleterre au contraire a cherché par le traitement à relever le prestige de la fonction et à en assurer l’indépendance. Ce traitement varie dans les fonctions supérieures de 100 à 350,000 fr., dans les fonctions inférieures de 30 à 60,000 fr., et encore le secrétaire de la reine à la cour de l’Échiquier est-il le seul qui ne reçoive que 30,000 fr. Ce n’est que dans les juridictions du dernier ordre que le traitement des magistrats descend à 5,200 fr. Le lord-chancelier reçoit 350,000 fr., le lord-président de la cour du Banc de la reine et de la cour des Plaids communes 200,000 fr., celui de la cour de l’Échiquier 175,000 fr. Les pensions de retraite de ces magistrats atteignent également des chiffres très élevés ; en 1850, vingt-sept hommes de robe recevaient en Angleterre, à titre de pension de retraite, 1,78,7,550 fr. Les magistrats anglais sont fort peu nombreux, il est vrai, et dans nul autre pays le corps de la magistrature, organisé sur d’autres bases, ne pourrait émarger d’aussi énormes traitemens ; mais n’est-il pas permis d’attendre mieux pour la magistrature française ? Doit-elle se contenter d’être la plus instruite et la moins rétribuée de l’Europe ? Des différens ministères, celui de la justice est un de ceux qui pèsent le moins sur le budget. Le ministère de l’intérieur est inscrit pour 48 millions, celui de l’instruction publique et des cultes pour 66, celui des travaux publics pour 113, celui de la marine pour 148, celui de la guerre pour 387, celui des finances pour 484. Le ministère de la justice ne reçoit que 31 millions au budget de 1862, et si l’on veut compter ce que rapportent au fisc les amendes, les droits de greffe, d’enregistrement et de timbre, on sera convaincu que la magistrature entre véritablement pour peu dans les dépenses du pays. Près de certains tribunaux de première instance, le traitement du juge s’abaisse à 2,200 fr., celui du procureur impérial à 3,400 fr. En dehors de Paris et de quelques grandes villes, où d’ailleurs les exigences de la situation rétablissent l’égalité avec les autres résidences, le traitement ne dépasse jamais pour les juges 2,800 fr., et pour le procureur impérial 5,600 fr. Le traitement des conseillers à la cour varie de 4,600 à 6,600 fr., celui des procureurs-généraux et des premiers présidens de 15 à 25,000 fr. Et cependant les chefs de corps sont tenus à une certaine représentation qu’ils doivent à leur fonction, et qui absorbe la plus grande partie de leur traitement, lorsque, suivant l’expression consacrée, ils font convenablement les choses. Que dire des pensions de retraite ? On n’y arrive qu’après trente ans de service ; mais en revanche, basées sur la moitié du traitement, elles ne procurent pas toujours le nécessaire. Au surplus,