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aux conclusions généralement adoptées : les conjectures ne sont pas encore transformées en faits indubitables.

Si d’anciens noms de lieux défigurés par un long usage ont une grande importance pour la reconstruction de l’histoire des Gaulois, les vestiges des monumens qu’ils ont élevés sont bien plus précieux encore : quelques débris étudiés avec sagacité nous en apprennent plus sur les mœurs, la vie intime et l’histoire vraie des peuples disparus que des dictionnaires entiers de mots retrouvés. Même les nations qui ont laissé leur chronologie et le récit de leurs œuvres renaissent pour ainsi dire quand on fait la découverte de leurs habitations, des mille objets qui les entouraient, du milieu où elles ont vécu. Les bas-reliefs et les taureaux ailés de Nimroud n’ont-ils pas fait revivre cette histoire d’Assyrie qui semblait si reculée, et les fouilles qui nous ont rendu Pompeï n’ont-elles pas exhumé comme une image de la société romaine ? Malheureusement les traces des populations successives qui ont habité la Gaule sont assez difficiles à rencontrer aux endroits mêmes où l’on avait l’espoir de les trouver. Ce n’est pas dans les plaines riches et fertiles, ce n’est pas sur le bord des grands fleuves, là où s’étaient établies autrefois de puissantes sociétés gauloises, qu’il faut chercher les restes des habitations de nos pères. À leurs cités détruites ont succédé tant d’autres villes plus riches et plus populeuses, le sol a été si souvent tourné et retourné, les ruines ont été si souvent amoncelées sur les ruines antérieures, que tous les débris de l’antique occupation ont été réduits en poussière ; le temps et les hommes ont travaillé de concert à effacer tous les vestiges. Pour surprendre le secret des anciennes peuplades, il faut visiter les contrées arides où les habitations ont toujours été clair-semées, surtout les pays de forêts qui convenaient aux chasseurs, et qui n’ont pu se repeupler de tribus agricoles, lorsque la conquête les eut une première fois privés de leurs habitans. Tandis que les régions les plus historiques de notre patrie offrent à peine quelques débris antérieurs à l’époque gallo-romaine, les bruyères de la Bretagne et les vallons boisés du Poitou ont gardé leurs dolmens et leurs rangées de menhirs ; les plateaux infertiles du centre de la France montrent encore leurs fosses à loups, marges ou mardelles, qui formaient l’étage souterrain des maisons gauloises, et quand on pénètre dans les profonds bois de pins des Landes, on est surpris à la vue des énormes clotes creusées dans la terre et restées désertes depuis le jour où quelque invasion des Celtes ou des Vascons en a chassé les habitans. La solitude a gardé ces demeures d’un peuple qui n’est plus.

Mieux encore que les grands bois et les landes, les entrailles mêmes de la terre conservent en grand nombre les témoignages du