Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/971

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on a blâmé, on blâmera toujours le recours trop fréquent à l’emprunt, quand il ne sera pas d’une Indispensable nécessité pour des entreprises où sont engagés les intérêts et l’honneur d’un pays ; oui, le recours trop fréquent à l’emprunt est désastreux pour des fantaisies, pour des aventures, pour des dépenses peu profitables ; l’emprunt, c’est la charge du présent rejetée sur l’avenir ; l’emprunt, c’est la porte ouverte aux entraînemens et aux illusions, car l’emprunt dissimule la vérité à une nation, tandis que l’impôt, qui se paie tous les jours, l’avertit et l’éclaire. Mais s’il s’agit de solder le bilan du passé, de sortir d’une situation embarrassée, l’emprunt est le moyen le plus simple et le plus rapide. Nul ne se plaindrait qu’on s’en servît au lieu de perpétuer les découverts ou d’engager l’avenir d’une façon plus grave encore.

Pour faire face à une insuffisance de recettes comme pour liquider un arriéré se présentent toujours les mêmes moyens, entre lesquels on peut choisir, ou dont on peut combiner l’emploi : l’économie. l’emprunt, l’impôt. De ces trois moyens, le premier, le meilleur, est celui dont le rapport parle le moins, car on ne peut appeler économie la réduction promise des dépenses résultant d’arméniens extraordinaires motivés par la guerre, et dont la paix doit soulager l’état. Est-il probable que sur un budget de plus de 2 milliards aucune économie ne puisse être proposée ? Évidemment non ; il faut donc, attendre la présentation du budget de 1863 pour porter un jugement définitif, car il ne serait pas équitable de considérer nécessairement comme une charge nouvelle les 70 millions ajoutés au total du budget, afin de prévenir les allocations supplémentaires. Si l’on jette un coup d’œil en arrière, on jugera que les contribuables devraient s’estimer heureux qu’il fût possible de traiter à forfait pour la somme demandée par M. Fould. Dans l’état actuel des choses, il convient donc d’attendre les propositions du prochain budget. Lorsque dans le règlement des dépenses de l’état les représentans de la nation ne peuvent imposer par leur volonté les économies qui leur semblent réalisables sur le détail des services publics, c’est au gouvernement qu’incombe le devoir et qu’appartient l’honneur de prendre l’initiative. Au moment où il cède à la nécessité d’augmenter les impôts, il est de son intérêt de faire les plus sincères efforts pour alléger les charges de tous. Les compensations qu’il pourrait être tenté d’offrir auront toujours moins de valeur morale que les sacrifices qu’il accomplira sur lui-même. Surimposer les uns pour faire trouver leur part du fardeau moins lourde aux autres ne serait pas seulement une mauvaise politique, ce serait une atteinte funeste aux principes salutaires qui doivent servir de guides dans l’assiette et la répartition de l’impôt.