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plus flagrante. En attendant, les Anglais, qui n’ont donné à l’Italie qu’un appui moral, qui n’ont ni exposé leur armée ni grevé leurs finances pour cette cause, deviennent dans l’opinion italienne et européenne les promoteurs sincères, conséquens, éloquens, de l’achèvement et de l’organisation de l’unité italienne. Pour être justes, ce n’est pas à notre gouvernement seul que nous devons reprocher une politique contradictoire. Avec la presse libérale tout entière, nous avons maintenu dans la question italienne les principes essentiels et la politique vitale du parti libéral ; nous avons malheureusement rencontré parmi nos amis des dissidences qui ne nuisent pas seulement au règlement de la question italienne, mais qui retardent le rétablissement de la liberté en France.

Comment pourra-t-on s’expliquer un jour que tous les libéraux français n’aient pas compris que leur cause était solidaire de celle qui a eu à sa tête en Italie les Cavour, les Ricasoli et tant d’autres intelligences, tant d’autres caractères d’élite ? Comment se figurera-t-on que les liens de solidarité qui unissent tous les partis libéraux en Europe aient été méconnus à ce point, et que des esprits — qui sont loin pourtant d’être vulgaires — aient cru que l’honnêteté, l’habileté, la force politique, étaient de s’attacher avec une opiniâtreté aveugle au pouvoir temporel de la papauté, c’est-à-dire au dernier vestige d’un ordre de choses qui est la négation de la liberté moderne ? Erreur non moins injurieuse après tout pour la foi catholique que pour la cause libérale ! Quand les catholiques en France veulent voir dans la conservation du pouvoir temporel une garantie matérielle de leur indépendance religieuse, ils devraient nous permettre de raisonner d’après la double hypothèse de la sincérité de leur foi et de l’inaltérable intégrité de l’orthodoxie dans le chef suprême de l’église. Admettre la droiture de leur conscience comme croyans et l’infaillibilité doctrinale de leur chef dans quelque condition que le placent les événemens, c’est rendre, ce nous semble, aux catholiques l’hommage le plus loyal et le plus complet auquel ils puissent avoir droit, car c’est admettre leur conviction elle-même comme la base de la discussion ; mais, cette base posée, il est bien évident qu’il est d’autres garanties à l’indépendance religieuse que celles que peut fournir la souveraineté temporelle. Ces garanties de l’ordre naturel, accidentel, politique, suivent le sort changeant des sociétés ; elles ne peuvent plus exister dans la souveraineté temporelle, lorsque les sociétés ont cessé d’appartenir à des princes, lorsqu’elles se possèdent et se gouvernent elles-mêmes, lorsqu’elles sont fondées sur la liberté du citoyen, sur le respect des droits intérieurs et extérieurs de l’individu. Que les catholiques pratiquent, ou, s’ils n’en jouissent point encore, qu’ils conquièrent avec l’ardeur de la foi, dans les sociétés auxquelles ils appartiennent, toutes les libertés politiques nécessaires au développement de l’individu et du citoyen, ils y trouveront toutes les garanties politiques nécessaires à l’indépendance religieuse. Qu’ils se préparent donc, qu’ils se résignent à l’évolution que leur impose la marche