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chimie qui manquait toutes ses expériences, non qu’elles ne dussent parfaitement réussir en elles-mêmes, mais parce qu’il oubliait toujours de tenir compte de quelque circonstance accessoire ; or rien ne nuit à l’autorité d’une science comme une expérience qui ne réussit pas. J’insiste sur ce point, parce que ce ton péremptoire n’est pas particulier à M. du Puynode. Toute notre école économique a le même défaut, ce qui n’a pas peu contribué aux répugnances qu’elle a soulevées. Il faut, disait Fontenelle, que la vérité entre par le petit bout, observation d’autant plus juste qu’il n’y a que le petit bout des idées qui soit exactement vrai dans un moment donné, et le tort de l’économie politique en France, a commencer par Turgot, a toujours été de se présenter par l’autre côté.

Nous allons trouver, en passant rapidement en revue les principaux sujets abordés par M. du Puynode, de nombreuses preuves de cette extrême rigueur. Il commence par traiter de la propriété territoriale et de l’industrie agricole. Les principes qu’il émet me paraissent excellens, et la plupart des faits qu’il constate d’une parfaite vérité. Je partage toutes ses idées sur la nécessité de n’apporter aucune entrave aux libres mouvemens de la propriété foncière ; je suis comme lui partisan de la division du sol, quand elle est le fruit naturel et spontané de l’état social et économique ; comme lui, je crois utile et juste de la favoriser par la loi du partage égal dans les successions et par l’abolition des substitutions et des majorats. Il me paraît non moins dans le vrai lorsqu’il montre dans le capital d’exploitation le véritable instrument du progrès agricole, et lorsqu’il recherche avant tout les moyens de ménager et d’accroître ce capital. Je serais ingrat et inconséquent si je n’abondais pas dans son sens, car il me fait souvent l’honneur de citer mes jugemens et mes chiffres, et je suis heureux d’une pareille conformité de doctrine avec un homme aussi éclairé.

Je trouve cependant, dès ce début de son travail, une opinion que je ne saurais partager : c’est la condamnation absolue des propriétés de l’état et des corporations. Au point de vue le plus théorique, il serait déjà intéressant d’examiner s’il ne vaudrait pas tout autant que l’état tirât ses revenus de propriétés particulières et non de l’impôt. Dans cette hypothèse, les budgets des grandes nations de l’Europe ne seraient pas devenus ce qu’ils sont. Mais écartons cette vue rétrospective, qui devient tout à fait chimérique dans la situation des finances publiques, et renfermons-nous dans les faits existans. La seule propriété productive de revenus que l’état ait conservée est celle des forêts ; M. du Puynode la lui conteste, par cette raison que les forêts de l’état ne lui rapportent que 2 pour 100 et qu’elles rapporteraient davantage dans les mains de la propriété privée. J’admets que les forêts de l’état ne lui rapportent que 2 pour 100, je nie qu’elles dussent rapporter davantage dans d’autres mains. 2 pour 100, c’est, tout le monde le sait, le véritable revenu net de la propriété foncière, quand elle est administrée en vue de la formation du capital ; si la propriété privée retirait au premier