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à nos jeunes filles. En voici quelques strophes ; elles ont la brièveté et l’allure des stornelli toscans :

Je vous vends la passerose,
Belle, à dire ne vous ose
Comment amour vers vous me tire ;
Si l’apercevez, tout sans dire.
Je vous vends la fleur de lys :
Vray amant doit estre jolis,
Sage, courtois et bien apris, etc.

On débite encore dans nos campagnes françaises un petit livret intitulé : le Jardin de l’honnête Amour, où est enseignée la manière d’entretenir sa maîtresse, dressé pour l’utilité de la jeunesse. À la fin se trouve une pièce en vers, ou à peu près : les Récréations et Devises amoureuses, par demandes et réponses joyeuses. Ce sont des espèces de strophes évidemment corrompues, mais dont la composition originale remonte à une époque assez ancienne, et qui rappelle tout à fait les Gieux à vendre de Christine de Pisan. Nous n’en citerons que le début :

L’AMANT.
Je vous vends le grain de froment,
Aimez les dames honnêtement ;
Gens d’honneur et de courtoisie,
Choisissez-vous belle amie :
Ce n’est qu’ennui autrement.
L’AMIE.
Je vous vends la pomme d’orange.
D’aimer je trouve bien étrange,
Vu d’amour les cris et clameurs,
Les ennuis, peines et douleurs.

Enfin, particularité qui se rapproche davantage de la forme italienne, on sait que, dans les chants populaires de la Romanie, c’est le nom d’une fleur ou d’une feuille d’arbre qui donne le ton à chaque strophe. En effet, ce qui caractérise les fiori, et ce qui les distingue des autres poésies où les fleurs figurent, c’est cette manière de jeter brusquement en avant un nom de fleur, et d’y rattacher ensuite un court développement, une comparaison gracieuse. Le plus souvent, la rime seule détermine le choix de la fleur :

FIOR DI PEPE.
Se la vostra figlia non mi date,
Jo ve la ruberò, voi piangerete.
FIOR DI GINESTRA.
Vostra madre non vi marita apposta,
Per non levar quel fior dalla finestra.