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ALCAMÈNE.

Oui, lui aussi expire en souriant, mort digne d’un sculpteur.

SOCRATE.

Dis surtout d’un homme de bien, (ils sortent.)

SCÈNE XI.
PHIDIAS, PÉRICLÈS.
PÉRICLÈS.

En es-tu là ? Après trois jours ! Ta maladie n’est pas naturelle.

PHIDIAS.

Tu sauras la vérité. J’ai bu du poison.

PÉRICLÈS.

Quoi ! toi-même !

PHIDIAS.

Je m’explique mal. Du poison m’a été versé.

PÉRICLÈS.

O dieux qui protégez notre patrie !

PHIDIAS.

Sois calme, mon cher Périclès. Il faut que nous profitions des momens qui nous restent.

PÉRICLÈS.

Et qui a osé ?…

PHIDIAS.

Je veux l’ignorer : tous doivent l’ignorer avec moi. Quelle tache pour le nom d’Athènes, si l’on apprenait ce que j’ai souffert ici, sous la garde des lois ! Et toi, Périclès, tu serais accusé plus que personne, car l’on ne manquerait pas de dire que tu t’es défait de moi, craignant mes aveux. Il faut que l’on croie que je succombe à l’âge et au chagrin, comme Miltiade.

PÉRICLÈS.

Ce qui est vrai perce toujours, de même que l’or brille dans la nuit. D’ailleurs l’injustice des Athéniens n’en sera que plus odieuse, puisqu’elle paraîtra la cause de ta mort.

PHIDIAS.

L’histoire justifie souvent l’ingratitude des peuples. Toi, veille à ta sûreté, les mêmes mains qui ont fait tuer Ephialte m’atteignent aujourd’hui.

PÉRICLÈS.

Que ne prennent-elles ma vie ? Je ne l’ai jamais défendue ; mais s’attaquer à tous ceux qui me sont chers, calomnier les hommes auxquels Athènes doit sa gloire, frapper ceux qui lui rendent les plus grands services ! Et cette démocratie crédule et envieuse, semblable à une hydre qui dévore tout ! Elle attend pour m’engloutir à mon tour que je reste seul, vous ayant vus tous périr.

PHIDIAS.

C’est toi qui as assuré le triomphe de la démocratie.