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I. — CHOIX DES ANIMAUX A ENTRETENIR.

Quelle quantité et quelles espèces particulières d’animaux convient-il d’entretenir dans la situation économique du domaine que l’on exploite? Tel est le problème qui doit être avant tout résolu. Des terrains privilégiés, comme ceux que féconde le Nil, comme la vallée du Gange, comme les terres noires de la Russie, sont aptes à donner sans fumier ou presque sans fumier d’abondantes récoltes. En France, nous avons les alluvions du Rhône, du Rhin et de la Garonne, la Limagne d’Auvergne, certaines parties des bords de la Loire, etc., où le bétail peut devenir la source de bénéfices importans, sans être au même degré qu’ailleurs indispensable à la fécondité des champs. Pour la grande majorité des exploitations au contraire, le succès se mesure à la masse de fumier qu’on enfouit dans la terre; rarement celle-ci en reçoit assez, presque toujours elle en manque, et quand le voisinage d’une ville ne permet pas de trouver près de soi toute sorte d’engrais à bon compte, on doit s’ingénier à en produire beaucoup en nourrissant sur la ferme autant d’animaux qu’il est possible.

Plusieurs agronomes ont affirmé qu’une tête de gros bétail adulte ou son équivalent par hectare était la proportion normale. Ce chiffre ne se trouve cependant pas en France fréquemment atteint : les fermes qui, dans nos concours régionaux, obtiennent les primes d’honneur n’y parviennent même point toutes; on compte celles qui le dépassent, et pour rendre possible un tel résultat, il faut ordinairement l’aide d’une industrie annexe. Avec un assolement quadriennal et une étendue passable de prairies, on a déjà lieu de se féliciter dans la plupart des cas lorsque l’on arrive à trois quarts de grosse tête par hectare. Du reste, en pareille matière, il n’y a pas à se préoccuper seulement des facultés fourragères du sol; on est aussi forcé de tenir compte du capital dont on dispose, car il ne faut pas se dissimuler que l’achat des animaux, la construction de leurs étables, les soins de leur entretien et les travaux des cultures qui leur sont destinées exigent un fonds de roulement plus considérable que si le système adopté reposait principalement sur la production des céréales. Il est évident que la France[1] ne possède pas assez d’animaux domestiques. Nous en nourrissons beaucoup plus et de meilleurs que nous ne le faisions autrefois, nous en nour-

  1. Toutes les fois que dans ce travail nous citons la France, nous entendons ne parler que de nos quatre-vingt-six anciens départemens. Faute de renseignemens assez précis sur les pays récemment annexés, nous avons préféré ne point parler d’eux. M. M. Block, dans la collection de documens que réunit son livre sur les Charges de l’agriculture, calcule à raison de 80 têtes de gros bétail par 100 hectares de terres cultivées, et à 556 têtes par 1,000 habitans, la proportion d’animaux agricoles que nous possédons. D’après le même auteur, cette proportion serait : ¬¬¬
    En Angleterre, de 80 têtes pour 100 hectares et de 528 par 1,000 habitans.
    Bade, de 84 — — 484 —
    Bavière, de 64 — — 737 —
    Belgique, de 98 — — 400 —
    Prusse, de 39 — — 413 —

    Le bétail anglais et belge est généralement meilleur que le nôtre. Le bétail bavarois et prussien est au contraire d’un mérite inférieur. C’est avec le bétail badois que le nôtre a le plus d’analogie, comme valeur et comme poids des animaux qui le composent.