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les maquignons ont si souvent recours pour voler leurs acheteurs. La toilette des poils artistement collés sur la blessure qu’ils cachent, celle des queues artificielles, ne sont sans doute pas pratiquées par tout le monde; mais combien d’hommes cherchent, par des moyens que ne peut approuver la loyauté, à relever la valeur de leurs bêtes ! On travaille donc souvent à donner aux animaux que l’on veut vendre des dehors trompeurs et à rapprocher autant que possible les apparences de l’âge de cinq ans, car à cet âge, nous l’avons déjà dit, le cheval atteint avec sa pleine vigueur son prix marchand le plus élevé.

Les maladies graves qui peuvent frapper particulièrement les chevaux dans une exploitation rurale sont, outre la fluxion périodique des yeux, dont le midi de la France n’a pas beaucoup à se plaindre, la pousse et les coliques rouges. Celles-ci constituent de véritables entérites, dont malheureusement la marche est parfois très rapide. Les atteintes de la pousse sont plus lentes, mais non moins cruelles. On attribue ordinairement ces terribles affections, et la morve elle-même, à une nourriture mauvaise, dont l’action funeste se complique d’excès de fatigue et de soins insuffisans. Dans bien des écuries en effet, la pousse semble résulter de l’emploi trop exclusif que presque tous nos paysans font du foin pour l’alimentation de leurs attelages. Plusieurs personnes ont prôné l’acide arsénieux comme assurant la guérison de cette dernière maladie, mais les cultivateurs auront raison de ne compter sur aucun spécifique et de s’appliquer surtout à prévenir l’invasion du mal. C’est le perfectionnement des moyens préventifs, c’est-à-dire un meilleur système de ferrure, qui a fait disparaître certaines maladies de pied dont la fréquence était autrefois si regrettable[1]. C’est également la mise en pratique de tous les soins recommandés par l’hygiène qui agira le plus efficacement sur la santé des animaux. On doit donc vivement regretter que les principes de la science ne soient pas plus répandus dans les campagnes, et que le nombre de nos écoles vétérinaires reste tellement inférieur aux besoins du pays. Toutefois il faut reconnaître, en ce qui concerne la pousse, qu’une habitude impossible peut-être à détruire, l’emploi comme poulinières des jumens poussives, contribue largement à infuser le principe du mal dans le sang de nos bêtes chevalines. Tous les cultivateurs des pays d’élève cherchent à compenser ainsi par avance la perte que doit plus tard occasionner la jument malade. Il est bien difficile d’empêcher cette spéculation dernière sur une bête dont on prévoit la fin. Cependant on a lieu de s’étonner que les haras impériaux ne se

  1. Il y aurait injustice à taire que ce bienfait est en grande partie dû à l’influence de l’école de maréchalerie de Saumur, qui, en formant des maréchaux pour l’armée, est ainsi devenue pour nos campagnes une pépinière de bons ouvriers.