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DES FÉES
ET
DE LEUR LITTERATURE EN FRANCE

Contes de Perrault, avec les illustrations de Gustave Doré; 1 vol. grand in-folio. Paris, Hetzel et Didot, 1862.

La vie de l’imagination a ses tristesses, ses amertumes et ses déceptions, comme celle du cœur ou celle de l’âme, car chacune de nos facultés est un centre d’une vie particulière où se passent des aventures, des révolutions, des catastrophes qui restent pour ainsi dire inconnues aux autres régions de nous-mêmes, absolument comme dans un grand empire les péripéties souvent pleines d’intérêt de tel village ou de telle sous-préfecture restent inconnues à la capitale. Qui a vécu de la vie de l’imagination et n’a pas connu les douleurs singulières dont je parle? Tristesses de sylphe qui a trouvé flétrie la fleur où il comptait s’abriter, désespoir de gnome qui a trouvé fermées les portes de la mine dont il aimait à contempler les splendeurs, embarras d’enchanteur qui perd subitement la mémoire des formules magiques qui devaient lui ouvrir le monde des merveilles. C’est un dur moment pour l’Ariel qui est en nous que celui où il reconnaît que tel amour capricieux qui faisait délicieusement frémir ses ailes les laisse maintenant sans voluptueux frisson, que telle incantation dont la musique l’enivrait laisse maintenant sa voix languissante, et que sa lointaine Bermude ne lui fournit plus la même provision de rosée qu’autrefois. Pour les génies