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quis Wielopolski et le général Souchozanett, envoyé comme successeur du prince Gortchakof, une éclaircie semble encore se produire. Un nouveau lieutenant est donné au royaume de Pologne, c’est le général comte Lambert, qui part pour Varsovie avec la mission d’appliquer les institutions nouvelles, de rallier « les hommes éclairés et bien intentionnés, » de rechercher « les besoins réels du pays. » Quel allait être le dénoûment de cette expérience reprise dans des conditions aggravées? Malheureusement il y avait un vice dans cette tentative comme dans toutes les tentatives de la Russie en Pologne. Le comte Lambert réunissait sans doute les conditions les plus favorables pour remplir une mission de paix. C’était un gentilhomme aux manières courtoises et affables, d’origine française, catholique de religion, ayant un esprit modéré et jouissant de la faveur particulière du tsar; mais en même temps les hommes placés autour de lui passaient pour des représentans du vieux parti russe, destinés à le surveiller, à le retenir au besoin. C’était le général Gerstenzweig, gouverneur militaire de Varsovie et ministre de l’intérieur, le chef d’état-major Krijanowski, le sénateur Platonof, membre du conseil d’administration. Malgré tout, le comte Lambert, à son arrivée à Varsovie, était reçu avec faveur et considéré comme un plénipotentiaire de paix, et ses premiers actes étaient marqués effectivement d’un esprit de conciliation. Le général Lambert nouait des rapports avec les chefs du parti national, conférait avec les évêques, et accueillait même une note confidentielle d’un chanoine considéré à Varsovie, M. Wyszinski, indiquant les conditions possibles de la paix, conditions qui se résumaient dans une constitution pour le royaume et une organisation fondée sur l’autonomie nationale pour la Lithuanie et la Ruthénie. Enfin il se disposait immédiatement à mettre en pratique les institutions nouvelles, organisation du conseil d’état, élections des provinces et des districts.

Pour le parti national, il s’agissait de savoir ce que le pays devait faire en présence de cette situation nouvelle et des élections qui se préparaient. Des réunions eurent lieu. Tout repousser et s’abstenir, c’était l’opinion de ce qu’on pourrait appeler le parti de l’action, le parti avancé. Les modérés, avec un sens plus pratique, sentaient la nécessité de ne renoncer à aucun moyen légal, et surtout ils combattaient l’idée de s’abstenir dans les élections. Ce fut le parti modéré qui l’emporta. Seulement une combinaison fut adoptée pour rallier toutes les opinions : deux pétitions devaient être signées en même temps, l’une adressée au conseil d’état et demandant l’émancipation complète des Juifs, l’autre adressée au comte Lambert et réclamant une représentation nationale comme la seule institution propre « à rechercher et à faire connaître les besoins du pays, » selon