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BEAUX-ARTS

LA CHAPELLE DES SAINTS-ANGES A SAINT-SULPICE.
M. EUGÈNE DELACROIX.

Il est bien tard pour s’occuper des peintures que M. Delacroix a terminées l’été dernier à Saint-Sulpice. Cette chapelle, ouverte depuis plus de six mois, a déjà vu tant de visiteurs, et le public commence à la si bien connaître, qu’on ose à peine lui en parler encore. Ce n’est cependant pas une de ces œuvres qui n’ont d’attrait que la nouveauté. Dans tout ce que fait M. Delacroix, dans toute production où d’éclatans défauts se mêlent hardiment à des beautés de premier ordre, il y a matière à controverse, on peut en disserter longtemps. Essayons donc, si tard qu’il soit, de nous mêler à la querelle; étudions ces peintures et ne craignons pas d’en dire franchement notre avis.

C’est, comme on sait, sous l’invocation des saints anges que la chapelle est placée. Ce patronage semble d’abord promettre un radieux spectacle, de suaves perspectives ; il n’en est rien. Ne vous attendez pas à des chœurs séraphiques; ne rêvez pas, comme Jacob, je ne sais quelle échelle d’or qui vous transporte au ciel, M. Delacroix ne vous y suivrait pas. Pour lui, les anges du Seigneur ne sont pas des ministres d’espérance et de charité, gardiens et consolateurs de la misère humaine, de douces et blondes créatures, des types de céleste beauté; il voit en eux, fidèle à ses instincts, des instrumens surnaturels de force et de colère, de lutte et de châtiment.