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imprimées pour la première fois les proclamations de l’empereur et de la garde impériale à l’armée apportées de l’île d’Elbe et dictées par Napoléon lui-même.

Épuisé de fatigue et n’espérant plus rien, il se coucha sur le banc de pierre qui est à la porte de cette imprimerie.

Une vieille femme sortait de l’église en ce moment. Elle vit cet homme étendu dans l’ombre.

— Que faites-vous là, mon ami ? dit-elle.

Il répondit durement et avec colère : — Vous le voyez, bonne femme, je me couche.

La bonne femme, bien digne de ce nom en effet, était Mme la marquise de R…

— Sur ce banc ? reprit-elle.

— J’ai eu pendant dix-neuf ans un matelas de bois, dit l’homme, j’ai aujourd’hui un matelas de pierre.

— Vous avez été soldat ?

— Oui, bonne femme, soldat !

— Pourquoi n’allez-vous pas à l’auberge ?

— Parce que je n’ai pas d’argent.

— Hélas ! dit Mme de R…, je n’ai dans ma bourse que quatre sous.

— Donnez toujours.

L’homme prit les quatre sous. Mme de R… continua : — Vous ne pouvez vous loger avec si peu dans une auberge. Avez-vous essayé pourtant ? Il est impossible que vous passiez ainsi la nuit. Vous avez sans doute froid et faim. On aurait pu vous loger par charité.

— J’ai frappé à toutes les portes.

— Eh bien !

— Partout on m’a chassé.

La « bonne femme » toucha le bras de l’homme et lui montra de l’autre côté de la place une petite maison basse à côté de l’évêché.

— Vous avez, reprit-elle, frappé à toutes les portes ?

— Oui.

— Avez-vous frappé à celle-là ?

— Non.

— Frappez-y.


II.

Ce soir-là, M. l’évêque de D…, après sa promenade en ville, était resté assez tard enfermé dans sa chambre, il s’occupait d’un grand travail sur les Devoirs, lequel est malheureusement demeuré inachevé. Il dépouillait soigneusement tout ce que les pères et les doc-