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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1862.

Ce qui se passe à Rome mérite à plus juste titre que jamais d’occuper l’attention publique, Dans la hiérarchie des questions qui aujourd’hui agitent le monde, la question romaine vient assurément en première ligne. Il est manifeste que le gouvernement du catholicisme, par la solennité dont il entoure la canonisation des martyrs japonais, veut en quelque sorte faire toucher au monde, dans l’accomplissement d’un grand acte religieux, le lien qui, suivant lui, unit la liberté de l’église catholique au maintien du pouvoir temporel. La cour de Rome semble dire : Vous le voyez, il est des momens où, de tous les points de l’univers, les catholiques ont besoin de venir se serrer autour du pontife romain et de s’unir dans une même étreinte de foi et d’amour. La célébration de ces grandes agapes n’est possible pour l’église romaine qu’à une condition : c’est que Rome lui appartienne et que l’église y soit chez elle. Comment donnerait-elle l’hospitalité à ces cardinaux, a ces évêques, à ces prêtres, à ces pèlerins de tous les peuples, si elle-même elle n’était que l’hôtesse d’un état politique et d’une nation particulière ? — Telle est, si nous ne nous trompons, l’objection que l’on veut, dans cette canonisation des martyrs japonais, opposer au principe de justice, pour ne pas dire à la nécessité politique qui exige désormais la sécularisation de Rome.

Nous ne nous le dissimulons pas : dans sa forme, l’objection est imposante ; elle emprunte un air de grandeur à la majesté extérieure des manifestations et des cérémonies du culte catholique ; mais au fond elle est bien loin d’avoir la force que lui attribuent des esprits facilement éblouis. Rome serait la capitale du royaume d’Italie, qu’en tout temps elle pourrait être le théâtre d’un semblable concours de pasteurs et de fidèles venant de tous les points du monde. Avec l’église libre dans l’état libre, l’église et l’état