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comme MM. Sivori et Thalberg donnent à Paris des concerts plus brillans que fructueux. La vérité est que tout ce qui touche à l’art de bien dire et de charmer les hommes aspire à vivre, au moins une semaine, dans l’estime d’une nation qui semble avoir reçu la mission de classer les œuvres de l’esprit humain.

Après une séance extraordinaire donnée le 22 décembre au profit de la souscription pour élever un monument à Cherubini, la Société des Concerts a inauguré la trente-cinquième année de son existence le 22 janvier. C’est encore à Cherubini qu’elle a voulu rendre hommage en exécutant d’abord l’ouverture d’un de ses opéras, Anacréon. Malheureusement ce morceau symphonique ne parait pas mériter la réputation dont il a si longtemps joui. Les développemens du thème principal sont excessifs, et ce thème, peu saillant, revient aussi trop souvent. Un chœur d’un opéra de circonstance, Pharamond, de Boïeldieu, a suivi l’ouverture, après quoi on a exécuté la symphonie en la de Beethoven, une merveille du génie musical. Le 26 janvier, l’orchestre de la Société rendait avec une rare perfection la vingt-cinquième symphonie d’Haydn, dont le finale est une page exquise de gaité et de bonhomie allemande. Un o salutaris ! en chœur de Cherubini a été chanté après et n’a point révélé que ce maître ait eu jamais le vrai sentiment religieux. Le concerto en sol pour piano et grand orchestre de Beethoven, cette admirable page dont l’andante seul est une inspiration étonnante, a été rendu avec un grand talent par M. Théodore Ritter. M. Ritter est jeune et possède déjà un vrai sentiment, de l’art, surtout lorsqu’il est aux prises avec la musique de Beethoven, qui convient à son exécution vigoureuse. Cette magnifique composition est le quatrième concerto pour piano et orchestre qu’ait écrit Beethoven, elle date de l’année 1808. Après le finale d’Euryanthe de Weber, d’un si bel élan chevaleresque, on a entendu l’ouverture de Ruy-Blas de Mendelssohn, où il y a plus de vigueur que d’originalité. Le quatrième concert a été marqué par l’exécution d’un très beau motet en double chœur de Sébastien Bach, que la Société a déjà produit plusieurs fois sur ses programmes. Les Chants du Rossignol, solo de flûte composé et exécuté par M. Henri Altès, n’ont pas d’autre mérite que d’offrir au virtuose l’occasion de faire briller son talent d’exécution. Il serait à désirer cependant que les virtuoses que la Société des Concerts présente à son public exécutassent quelque chose de plus sérieux que des variations accompagnées d’accords parfaits. Les Ruines d’Athènes de Beethoven, qui ont succédé aux froids roucoulemens de la flûte de M, Altès, sont une des compositions les plus originales du maître.

Le cinquième concert a été l’un des plus brillans de l’année : on a exécuté la symphonie en si bémol de Beethoven, la pastorale du Messie de Handel, sorte d’ouverture dans le style fugué d’un caractère biblique et tout primitif, précédée d’un très beau chœur du même oratorio. L’exécution, de la part des chanteurs, a été, comme toujours, misérable. Après un psaume en double chœur de Mendelssohn, d’un beau sentiment religieux, on a terminé la fête par la symphonie en sol mineur de Mozart. Elle a été exécutée avec un fini parfait, cette symphonie dont le menuet et le finale sont des morceaux d’une grâce adorable. Ce qu’il y a eu de plus saillant au sixième