musicales de la France, c’est de ne pas rester immobile, d’être plus hospitalière aux talens étrangers et aux œuvres des maîtres qu’elle n’a pas encore abordés.
Nous avons parlé ici de l’idée heureuse de M. Pasdeloup et des Concerts populaires de musique classique qu’il a fondés au Cirque-Napoléon, dans un quartier bien éloigné du Paris élégant. Inaugurées le dimanche 27 octobre 1861, ces belles fêtes se sont prolongées sans interruption jusqu’à la semaine sainte. Un public compacte et divers de quatre mille personnes est accouru chaque dimanche dans cette grande salle circulaire, qui n’avait point été destinée à un si noble usage. C’est là qu’un orchestre de cent musiciens groupés sur une grande estrade et dirigés par un homme intelligent a fait entendre les chefs-d’œuvre d’Haydn, de Mozart, de Beethoven, de Weber et de Mendelssohn. On pouvait craindre qu’une tentative aussi hardie n’échouât, et que l’éducation musicale de la population parisienne ne fût pas encore assez avancée pour apprécier une manifestation de l’art si étrangère à son goût presque exclusif pour la musique de chant et la forme dramatique. L’événement a prouvé que M. Pasdeloup a été bien inspiré, et qu’il appartient toujours aux hommes d’initiative de deviner les besoins du public et d’oser y répondre. Les programmes des Concerts populaires de musique classique ont été en général assez bien composés, et, sauf un ou deux morceaux que M. Pasdeloup n’aurait pas dû admettre, il n’a fait entendre que des œuvres consacrées par le temps et l’admiration des connaisseurs. On a pu remarquer que ce public, un peu naïf encore vis-à-vis des formes développées de la musique instrumentale, a été plus vivement touché par la clarté et la douce sérénité d’Haydn, par la tendresse exquise de Mozart, que par la profondeur épique de Beethoven, et surtout par la tristesse monotone de Mendelssohn. L’éclat, la verve et l’élan chevaleresque de Weber ont produit immédiatement leur effet infaillible, tant il est vrai de dire que les génies sincères qui ne cherchent dans l’art qu’ils exercent que la beauté servant d’enveloppe à la vérité des sentimens, qui ne demandent à la langue dont ils se servent que les effets qui lui sont propres, sont facilement compris de tous les hommes, quel que soit leur degré d’éducation esthétique.
Nous ne pouvons parler de chacun des brillans concerts qui ont été donnés sous la direction de M. Pasdeloup. Quelques observations sur les séances les plus importantes suffiront pour donner une idée de l’effet produit par les compositions des différens maîtres. Par exemple, le programme de la treizième séance contenait d’abord l’ouverture de la Médée de Chérubini, préface symphonique qui a joui d’une très grande réputation, et qui semble avoir beaucoup pâli à côté des belles ouvertures des opéras modernes. Des fragmens d’une symphonie en mi bémol de Robert Schumann, qu’on a exécutés ensuite, nous ont raffermi dans l’opinion où nous sommes que ce compositeur, d’un génie si pénible, ne mérite pas la réputation qu’on lui a faite en Allemagne. Pauvre d’idées, Schumann prolonge indéfiniment le premier motif qu’il rencontre et vous accable de sa rêverie inféconde. L’auditoire a laissé passer sans rien dire les tristes imaginations de Robert Schumann, et la séance s’est terminée par l’ouverture solennelle de Ries, morceau un peu trop pompeux et trop rempli de petites fanfares militaires.