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heure dans les universités de raidir leur volonté en même temps que leurs muscles au milieu des exercices athlétiques. L’idéal de l’éducation britannique est donc de développer une âme forte dans un corps robuste.

Qu’on ne s’attende pourtant pas à rencontrer chez nos voisins les principes d’une science qui a été répandue chez nous dans ces dernières années par le colonel Amoros. Les Anglais ont une gymnastique à eux, consacrée de temps immémorial par leurs mœurs, par leurs coutumes, et peut-être par les lois de leur climat. De tous leurs jeux, le plus national est le noble jeu du cricket, c’est celui auquel je m’attacherai ; de tous leurs exercices athlétiques, les plus populaires sont la course et le pugilat, nous les verrons pratiqués par une classe d’hommes dont la vie est au moins fort excentrique. On a composé de gros livres très savans sur les jeux des Grecs et des Romains, un intérêt semblable et encore plus vif ne s’attache-t-il point aux divertissemens des peuples modernes, surtout quand ces divertissemens reflètent comme en Angleterre les principaux traits du caractère national ?

I.

Peu de temps après mon arrivée en Angleterre, il y a environ sept ans, je m’étais rendu dans le sud du Kent pour étudier la conformation des côtes. De Sandwich, vieille ville dans laquelle on entre par une vieille poterne, je me dirigeai à pied le long des dunes. Il est difficile d’imaginer une promenade plus monotone, surtout par un jour de pluie, et quand ne pleut-il pas dans ces parages ? Aussi loin que pouvait s’étendre la vue, je n’avais devant moi et autour de moi que des sables. Çà et là ces sables s’amoncelaient en collines basses, nues, friables, qui s’élevaient du moins assez haut pour cacher tout autre spectacle que celui du ciel brumeux et des crêtes stériles étagées les unes au-dessus des autres avec un admirable désordre. Je crus pour un instant me retrouver en Hollande. Peu à peu néanmoins ce rideau de sable se déchira, et la mer m’apparut aussi constellée de vaisseaux, selon l’expression de Wordsworth, que le ciel se montre saupoudré d’étoiles pendant la nuit. Quelques-uns de ces vaisseaux dormaient attachés à leur ancre, tandis que d’autres s’agitaient comme au hasard dans mille directions ; eux seuls savaient bien où ils allaient. À environ un mille avant d’arriver à Deal, je trouvai sur mon chemin une ancienne et vénérable forteresse bâtie par Henri VIII « dans un temps (disent les annales de son règne) où divers princes et potentats de la chrétienté avaient formé le projet d’envahir l’Angleterre. » Sandown