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pour compenser les créations de rentes nouvelles et pour maintenir la dette dans les proportions que lui avait données la liquidation du passé. Au 1er mars 1848, le total des rentes inscrites était de 2M millions; mais celui des rentes actives n’était que de 176 millions, soit de 12 millions seulement plus élevé qu’en 1830. Pendant ces trente années, la dette anglaise avait diminué. Des réductions par conversions, par remboursemens d’annuités, par application d’excédans des budgets à la libération du trésor public, avaient fait descendre le capital au-dessous de 19 milliards, et les rentes annuelles à environ 700 millions[1].

De 1848 à 1862, l’Angleterre, qui a fait l’expédition de Crimée, deux campagnes en Chine et la guerre de l’Inde, n’a emprunté sous diverses formes qu’un peu plus de 1 milliard, et a opéré des réductions successives de sa dette pour plus de 600 millions. Dans ces mêmes treize années, la dette française consolidée s’est élevée de 244 millions à 380 millions, et le chiffre des rentes actives est de près de 330 millions, au lieu de 176. De ce chef seulement, plus de 150 millions de rentes annuelles se sont donc ajoutées aux charges publiques : c’est plus que tout le budget extraordinaire de 1863; c’est cinq fois l’impôt proposé sur le sel.

Dix-sept des trente et une années sur lesquelles porte cet examen des budgets anglais ont présenté des excédans, quatorze des déficit. Les déficit s’élèvent à 1 milliard 200 millions environ, les excédans à 1 milliard; mais les trois années de la guerre de Crimée prennent part aux déficit pour 800 millions, et, si on retranche ces trois années, les vingt-huit autres, dans l’ensemble, laissent des excédans pour 600 millions environ. Ces chiffres, qu’on ne contestera pas, qu’on ne peut contester, sont plus éloquens que tous les commentaires. Je n’y saurais rien ajouter qui n’affaiblît cet éclatant témoignage en faveur de l’administration financière des gouvernemens libres.


II.

Quiconque veut chercher les moyens d’améliorer une situation difficile doit commencer par étudier la sphère dans laquelle il se meut, ainsi que les conditions diverses qui peuvent soit aider, soit entraver la liberté d’action individuelle ou collective. Rarement pareil retour de chacun sur soi-même a été plus nécessaire. Nous vivons au milieu des apparences de choses qui ont conservé leurs noms en perdant toute ressemblance avec ce qu’elles étaient na-

  1. Y compris les annuités, les rentes viagères et la dette irlandaise.