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avait une bizarre idée, quand, il y a un an, il invitait la presse à fouiller dans les plaies de la société industrielle de ce temps-ci.

Cet incident judiciaire a été l’événement intérieur de la quinzaine. Quelle en a été la préoccupation extérieure? Nous le disons à regret, c’est toujours le dilemme personnel qui résulte de notre présence à Rome, c’est toujours la grande question de savoir si cet élément de notre politique romaine qui emprunte les traits de M. de Lavalette l’emportera enfin sur la pensée à laquelle M. de Goyon prête son épée conciliante. Les paris ont été fort partagés entre le général et le diplomate. Plusieurs fois la victoire définitive du général a été annoncée ; mais aujourd’hui la chance paraît complètement tourner en faveur du diplomate. M. de Lavalette doit retourner à Rome; ce dénoûment mettra fin au sujet d’entretien qui, avec le procès de Douai, a dans ces derniers temps défrayé en France les cercles de la société élégante et polie. Il nous reste, il est vrai, la publication prochaine des livraison successives du grand roman de M. Victor Hugo, les Misérables.

Le retour de M. de Lavalette à Rome sera un petit succès pour la cause italienne; mais les Italiens y pourront-ils voir une avance marquée envers eux de la sympathie du gouvernement français? Il faudrait le croire, si l’on était doué de la confiance optimiste que respire une brochure, Politique française et Question italienne, dont l’auteur n’est autre que M. le sénateur Pietri. L’honorable M. Pietri voit tout en beau, même l’effet du discours qu’il a prononcé dans la dernière discussion de l’adresse. «L’empire est fort et sent sa force. La discussion, au lieu de l’affaiblir, vient de retremper son énergie. Le vote qui a suivi les débats de l’adresse resserre l’alliance entre la France et l’empereur. La question romaine, d’abord si compliquée, est maintenant si simple; tous les scrupules sont levés : là où l’on croyait voir des difficultés religieuses à résoudre, il n’y avait qu’un différend politique à régler! » A merveille! et voilà des assertions consolantes ! Espérons qu’un jour viendra où M. Pietri aura raison et où l’on ne verra plus en effet dans la question romaine qu’un différend politique à régler. En attendant, l’Italie va s’unir à nous par un nouveau lien, par une de ces associations d’intérêts qui, de nos jours, portent des fruits certains : nous croyons qu’avant la fin de la semaine prochaine le traité de commerce qui se négocie depuis longtemps entre la France et l’Italie sera signé. La conclusion du traité de commerce inaugurera bien pour l’Italie cette période comprise entre l’intervalle des sessions, et que le ministère italien semble vouloir appliquer de préférence aux questions économiques et financières. L’Italie ou du moins le Piémont avait devancé la France dans les voies de la liberté commerciale. En rappelant les gages donnés par l’Italie à la liberté commerciale et en les rapprochant de ses progrès en matière de liberté politique, M. Gladstone, dans son récent discours de Manchester, décernait à cette nation renaissante une noble louange. «L’Italie, disait-il, est la nation du con-