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hommes résolus, — que c’était le seul moyen d’en finir avec ces questions et de les résoudre par une législation vigoureuse. Conservateur ou libéral, on voulait donc un ministère accentué. Les conservateurs n’étaient point assez nombreux dans la chambre des représentans pour pouvoir aspirer aux portefeuilles. Restaient les deux nuances libérales, les modérés et les progressistes. C’était justement des chefs divers des modérés, MM. van Hall, Rochussen, van Heemstra, que l’expérience de ces dernières années avait constaté l’impuissance; c’étaient ces chefs qu’avait usés la lutte contre la double opposition conservatrice et progressiste des états-généraux. Peut-être, parmi les hommes de cette nuance, celui qui en ce moment eût été le plus apte à se charger du ministère était le président de la seconde chambre, M. van Reenen. M. van Reenen a été en effet appelé et consulté par le roi, mais il a décliné le pouvoir. Après un grand nombre d’essais demeurés stériles, le roi chargea enfin de la composition du cabinet M. Thorbecke. Cet homme d’état, qui, comme tous les hommes doués d’une certaine vigueur d’esprit et de caractère, soulève des amitiés passionnées et des haines profondes, reprit donc le pouvoir, qu’il avait dû abandonner en 1853 devant l’effervescence de l’opposition protestante, enflammée par l’établissement de la hiérarchie catholique en Hollande. M. Thorbecke, chef du parti progressiste, n’est point le président titulaire du cabinet, mais il en est l’âme et la tête dirigeante.

L’avènement de M. Thorbecke réveilla tout de suite, comme une réminiscence affaiblie de dix années, l’animosité des conservateurs religieux et des conservateurs coloniaux. Au surplus, l’enfantement du nouveau cabinet fut laborieux, et dura plusieurs semaines. M. Thorbecke avait pris le portefeuille de l’intérieur. Un député, M. Betz, remplaça aux finances le baron van Tets van Goudriaan. Un autre membre de la chambre des députes, M. Olivier, succéda à M. Godefroi à la justice. Un ancien fonctionnaire supérieur des Indes, M. Uhlenbeck, prit au département des colonies la place de M. Loudon. L’intérim des affaires étrangères fut donné au baron Stratenus, ministre des Pays-Bas en Hanovre; le département des cultes réformés et autres fut confié à un ancien magistrat d’Amsterdam, M. Jolles, et celui du culte catholique romain à M. Meeussen. Le colonel Blanken fut nommé ministre de la guerre, et le chevalier Huyssen van Kattendyke demeura ministre de la marine. Les tendances du cabinet Thorbecke ne peuvent être appréciées jusqu’à présent que d’après les antécédens de ses membres. Les chambres ne s’étant pas réunies durant la formation du ministère et n’ayant été convoquées de nouveau que le 24 avril, les occasions ont jusqu’à présent manqué à la manifestation de la pensée ministérielle; elles vont naturellement s’offrir maintenant que la session est rouverte. On s’attend à de chaudes interpellations, notamment sur les questions coloniales, qui, depuis quelques années, sont devenues en Hollande le champ de bataille où les partis se mesurent de préférence. Si au surplus dans la métropole les