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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/378

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l’affaire de l’Autriche et de la Prusse beaucoup plus que la nôtre : ces deux puissances une fois satisfaites sur ce point, nous serons satisfaits nous-mêmes; tant qu’elles ne le seront pas, il nous est prescrit de les soutenir, et notre devoir est de le faire, puisque l’Autriche a laissé arriver des difficultés qu’il lui était si facile de prévenir. — Comment cela? — En ne demandant pas à faire, lors de son alliance avec vous, occuper par ses troupes la partie du duché de Varsovie qui lui avait appartenu. Vous ne le lui auriez certainement pas refusé, et si elle eût occupé ce pays, vous n’auriez pas songé à le lui ôter. — L’Autriche et moi, nous sommes d’accord. — Ce n’est pas là ce que l’on croit dans le public. — Nous sommes d’accord sur les points principaux. Il n’y a plus de discussion que pour quelques villages. — Dans cette question, la France n’est qu’en seconde ligne; elle est en première dans celle de la Saxe. — En effet, la question de la Saxe est pour la maison de Bourbon une question de famille. — Nullement, sire : dans l’affaire de la Saxe, il ne s’agit point de l’intérêt d’un individu ou d’une famille particulière; il s’agit de l’intérêt de tous les rois, il s’agit du premier intérêt de votre majesté elle-même, car son premier intérêt est de prendre soin de cette gloire personnelle qu’elle a acquise, et dont l’éclat rejaillit sur son empire. Votre majesté doit en prendre soin non-seulement pour elle-même, mais encore pour son pays, dont cette gloire est devenue le patrimoine. Elle y mettra le sceau en protégeant et faisant respecter les principes qui sont le fondement de l’ordre public et de la sécurité de tous. Je vous parle, sire, non comme ministre de France, mais comme un homme qui vous est sincèrement attaché. — Vous parlez de principes; mais c’en est un que l’on doit tenir sa parole, et j’ai donné la mienne. — Il y a des engagemens de divers ordres, et celui qu’en passant le Niémen votre majesté prit avec l’Europe doit l’emporter sur tout autre. Permettez-moi, sire, d’ajouter que l’intervention de la Russie dans les affaires de l’Europe est généralement vue d’un œil de jalousie et d’inquiétude, et que, si elle a été soufferte, c’est uniquement à cause du caractère personnel de votre majesté. Il est donc nécessaire que ce caractère se conserve en entier. — Ceci est une affaire qui ne concerne que moi, et dont je suis le seul juge. — Pardonnez-moi, sire; quand on est un homme de l’histoire, on a pour juge le monde entier. — Le roi de Saxe est l’homme le moins digne d’intérêt ; il a violé ses engagemens. — Il n’en avait pris aucun avec votre majesté; il n’en avait pris qu’avec l’Autriche; elle seule serait donc en droit de lui en vouloir, et tout au contraire je sais que les projets formés sur la Saxe font éprouver à l’empereur d’Autriche la peine la plus vive, ce que votre majesté ignore très certainement, sans quoi, vivant, elle et sa famille, avec lui et chez lui depuis deux mois, elle n’aurait jamais pu se résoudre à la lui causer. Ces mêmes projets affligent et alarment le peuple de Vienne. J’en ai chaque jour des preuves. — Mais l’Autriche abandonne la Saxe. — M. de Metternich, que je vis hier au soir, me montra des dispositions bien opposées à ce que votre majesté me fait l’honneur de me dire. — Et vous-même, on dit que vous consentez à en abandonner une partie. — Nous ne le ferons qu’avec un extrême regret; mais si, pour que la Prusse eût une population égale à celle qu’elle avait en 1806 et qui n’allait qu’à neuf millions deux cent mille âmes, il est nécessaire de donner de trois à quatre cent mille Saxons, c’est un sa-