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celles-ci. D’ailleurs il était militaire de vocation, et le métier de condottiere n’impliquait encore aucune dérogeance pour un prince souverain. Il fut donc un des généraux de l’armée protestante, et comme tel fit la guerre à l’empereur. Puis, traitant de sa réconciliation, comme tant d’autres, il passa dans l’armée impériale, ce qui ne l’empêcha pas, après plusieurs campagnes en Allemagne et en Italie, de devenir, sous Gustave-Adolphe, un des chefs de l’armée suédoise. Il y gagna la riche abbaye de Hildesheim, enlevée aux catholiques, et qui fut sa part de prise, après quoi, dans l’année 1641, il rendit l’âme (non l’abbaye) et laissa derrière lui quatre fils, dont l’un, le second, voyageur comme son père et fort adonné à la galanterie, épousa, nonobstant l’inégalité de leur naissance, une aimable Française, Éléonore d’Olbreuse, dont le sang coule encore, on va le voir, dans les veines de la reine Victoria.

Éléonore en effet donna le jour à une fille douée de toutes les grâces de sa mère et pourvue d’une riche dot. La fille et la dot furent convoitées par un jeune prince que la mésalliance du duc de Zell avait fait le neveu d’Éléonore et le cousin de sa fille. C’était George-Louis de Hanovre, fils du duc Ernest, premier électeur de Hanovre.

En Angleterre cependant, l’aimable et malheureuse Elisabeth, fille de Jacques Ier, épousait l’électeur palatin, roi de Bohême (Frédéric V), lequel fut, comme chacun sait, dépossédé de ses états. Anne de Danemark, qui semblait avoir le pressentiment des malheurs promis à ces futurs époux, ne négligea rien, alors qu’il en était temps encore, pour empêcher sa fille de se donner au « palsgrave: » mais il était beau, doué de cette faiblesse de caractère qui ajoute une grâce de plus à celles de la jeunesse, et enfin, mérite suprême aux yeux d’Elisabeth, il était bon protestant. Le désir de replacer sa sœur sur le trône fut une des causes qui engagèrent Charles Ier dans cette voie périlleuse au bout de laquelle il rencontra l’échafaud. Il était décapité depuis neuf ans lorsqu’une des filles d’Elisabeth épousa le comte Ernest-Auguste de Brunswick-Lunebourg, duc de Hanovre, lui apportant, avec un trousseau fort mal garni, un héritage magnifique, — à savoir, pour leur postérité, la triple couronne d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande.

Toutes les autres filles d’Elisabeth Stuart s’étaient converties au catholicisme. Sophie seule, la duchesse de Hanovre, demeura officiellement, sinon de cœur, dans le sein de l’église réformée. Gourville, agent secret de Louis XIV, — et lui-même protestant converti, — demandait un jour à cette spirituelle princesse de quelle religion était sa fille, alors gentille enfant de treize à quatorze ans. « Elle n’a pas encore de religion, » lui répondit tranquillement la du-