Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus ou moins d’abondance de cet actif qui détermine les salaires et les profits; l’ouvrier et l’industriel auraient donc beau payer moins cher les objets de consommation : s’ils avaient moins de ressources, le résultat serait le même.

Ainsi, quoi qu’on fasse, qu’on prenne les 1 milliard 200 millions de l’impôt au moment de la formation de la richesse, sous forme de taxes de consommation, ou qu’on les prenne lorsque la richesse est formée, sous le nom de la taxe sur le revenu, le résultat est toujours le même au point de vue de l’incidence de l’impôt, c’est toujours le consommateur qui le paie. On établirait l’impôt progressif qu’il en serait encore de même. Ce ne sont pas ceux qui auraient l’air de le payer qui le paieraient seuls en réalité, et la société se priverait inutilement de ces grandes fortunes qui font son éclat et sa grandeur. Cette incidence fatale de l’impôt sur la consommation, quelque forme qu’il prenne, ôte donc un grand intérêt aux plaintes qu’on entend élever sur les impôts qui frapperaient particulièrement les classes pauvres, et qui les frapperaient, dit-on, plus que d’autres.

De quelque façon que s’y prennent les gouvernemens, a dit M. Thiers dans son ouvrage sur la propriété, le riche est après tout le plus soumis à l’impôt. Cette pensée serait plus exacte si le publiciste avait dit que le riche est toujours soumis à l’impôt proportionnellement à sa fortune. En effet, prenons l’hypothèse d’un actif social de 16 milliards constituant le revenu général de la société; un homme a 100,000 francs de revenu particulier : si les 16 milliards sont affranchis de toute redevance au fisc sous forme d’impôt, cet homme, avec ses 100,000 francs de revenu, aura droit à la masse des choses qui constituent ces 16 milliards dans la proportion de 1 à 160,000, et si au contraire il y a 2 milliards de prélevés par le fisc sous une forme ou sous une autre, il n’y aura plus droit que dans la proportion de 1 à 140,000, de 1 à 7, au lieu de 1 à 8. Son revenu sera diminué d’un huitième, et cela quelle que soit la forme de l’impôt, qu’il le paie lui-même directement ou qu’il le rembourse à ceux qui l’auront payé pour lui, car, étant admis que l’impôt entre dans les frais de production et que l’ouvrier et l’industriel se le font rembourser dans le prix de leurs produits, c’est le consommateur définitif de ces produits qui le paie. Et quel est le consommateur définitif ? Celui qui dispose du revenu de la société et dans la proportion où il en dispose, c’est-à-dire le riche.

Mais, dira-t-on, si l’impôt pèse sur la consommation et s’il est proportionnel à cette consommation, le riche qui ne dépense pas tout son revenu, qui fait des économies, ne paie pas l’impôt dans la proportion de ce revenu. On oublie que l’impôt est proportionnel aux consommations auxquelles donne droit tel ou tel revenu ; si celui