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compte de la différence de valeur de ces maisons, en raison de la situation, est aussi extrêmement inégale. La taxe mobilière, qui est assise sur le loyer, repose sur une présomption de la richesse des plus trompeuses. Enfin la taxe des patentes, qui est censée atteindre le bénéfice présumé des industriels en prenant pour base le genre d’industrie et le loyer d’habitation, donne lieu aux inégalités les plus flagrantes. Toutes ces taxes aujourd’hui provoquent encore de nombreuses réclamations. Un maître des requêtes au conseil d’état, M. Aucoc, a dressé le tableau de ces réclamations de 1852 à 1858 ; on y voit que les réclamations contre l’impôt foncier ont été, en moyenne par année, de 48, contre la taxe des portes et fenêtres de 29, contre l’impôt mobilier de 67, et contre l’impôt des patentes de 336, avec une décroissance en général pour les deux premiers et une augmentation progressive pour les deux autres, ce qui prouve que le chiffre des réclamations augmente à mesure que l’arbitraire joue un plus grand rôle dans l’évaluation des taxes.

Cela veut-il dire qu’il faille changer notre système de taxes directes et le remplacer exclusivement par des taxes indirectes ? Non assurément ; nous ne proposerons jamais, quant à nous, d’innovation aussi radicale : nous savons trop le cas qu’il faut faire en matière d’impôt des habitudes prises, et sans attacher une valeur absolue à cette thèse que les meilleurs impôts sont les plus anciens, parce qu’on y est accoutumé, nous croyons cependant pouvoir dire que, l’impôt étant considéré comme un mal par le contribuable, c’est déjà un avantage que de le laisser avec le mal qu’il connaît, en conséquence duquel il a arrangé sa vie et tous ses rapports économiques. Sans doute notre système actuel de taxes directes, avec son inégalité, n’est pas tout ce qu’on aurait pu imaginer de mieux ; mais enfin il existe, on y est habitué, le progrès de la richesse publique n’en souffre pas trop, s’il en souffre ; laissons-le sous sa forme actuelle, d’autant plus qu’en temps de crise l’impôt direct, c’est la seule ressource qui n’échappe pas et qu’on soit heureux de trouver lorsqu’on en a le plus besoin ; mais gardons-nous de l’aggraver, excepté par des centimes additionnels pour des dépenses toutes locales qui profitent à ceux qui les paient, et pénétrons-nous bien de l’idée que tout remaniement d’impôt, toute taxe nouvelle doit partir de ce principe que la meilleure taxe est celle qui porte le moins d’atteinte possible au progrès de la richesse publique, se perçoit sans trop de mécontentement, et donne les meilleurs résultats comme produits.


III.

La seule taxe qui réunisse à notre avis les trois avantages que l’on vient d’indiquer, c’est la taxe indirecte qui porte sur les objets