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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/505

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ESSAIS ET NOTICES.

DE LA DIVISION ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE.


Etudes d’administration, par M. Jules Chevillard, ancien préfet[1].

Qu’est-ce que l’administration dans un pays libre et dans la société moderne en général? Un ancien préfet, M. Jules Chevillard, a essayé de répondre à cette question délicate. «L’administration, dit-il, consiste dans un ensemble de mesures propres à développer toutes les ressources productives d’un pays et à assurer la meilleure répartition des richesses produites pour le bonheur et la grandeur du peuple, au point de vue de l’ordre matériel et de l’ordre moral. » J’accepte cette définition, qui me paraît assez exacte; je la voudrais seulement un peu plus complète, en ce sens qu’elle laisse dans le vague la nature des mesures à prendre pour atteindre ce double but, produire et distribuer. La science économique a choisi aussi pour thème ces deux mots, production et distribution des richesses, et les moyens qu’elle indique ne sont pas toujours d’accord avec ceux de l’école administrative. La définition prête donc à l’équivoque; elle dit très bien quel doit être l’objet de l’administration, mais elle ne dit pas quels doivent être ses procédés, en d’autres termes quelle part il convient de faire aux deux grands facteurs de tout ordre politique, l’autorité et la liberté.

La définition théorique de l’administration, avec ses devoirs et ses limites, n’entre d’ailleurs que comme accessoire dans le livre consciencieux et utile de M. Chevillard; le sujet principal de ces études est la division administrative de la France. On sait que, dans l’état actuel des choses, la France se divise en départemens, les départemens en arrondissemens, les arrondissemens en cantons, les cantons en communes. C’est cette division que l’auteur a particulièrement entrepris d’étudier, et qu’il critique dans quelques-unes de ses parties, en proposant d’y substituer ce qu’il regarde comme meilleur.

Prenant l’édifice par la base, il commence par protester de son profond respect pour la commune. « La commune, dit-il en rappelant un mot bien connu de Royer-Collard, existe, comme la famille, avant l’état; la loi politique la trouve et ne la crée point. » La commune, c’est le clocher, l’église, le cimetière, le centre de tous les actes de la vie civile, l’intermédiaire entre la famille et la patrie. Il est hors du pouvoir des lois de dénaturer cette division du sol français, produit antique de toute l’histoire religieuse et agricole. Le génie révolutionnaire l’a tenté à plusieurs reprises, la com-

  1. 2 vol. grand in-8o; Paris, chez Durand.