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se reproduisent aujourd’hui dans le parlement britannique avec la périodicité la plus fatigante, et c’est une raison de plus encore pour nous d’aider au développement maritime de l’Espagne, de l’Italie et des autres pays ; mais, avec la distribution actuelle des forces, ce sera toujours à nous que s’en prendra l’humeur inquiète de nefs voisins. La position que l’Angleterre doit à sa marine militaire vis-à-vis du monde entier, nous l’occupons à notre tour vis-à-vis des marines de toutes les autres puissances, l’Angleterre exceptée, et il en résulte d’abord que nous sommes le seul et plus prochain obstacle à la suprématie absolue que l’Angleterre aspire à exercer ensuite que dans toutes les occasions où les autres peuples, redoutant la réalisation d’un rêve pareil, cherchent une digue ou un rival qu’ils puissent opposer dans l’intérêt commun à l’ambition anglaise, c’est toujours sur nous qu’ils jettent les yeux, nous qu’ils invoquent comme la dernière espérance de la sécurité générale. Le rôle est honorable, et il faut espérer que nous ne le déserterons pas ; mais il faudrait aussi méconnaître étrangement le cœur humain et ses passions, qui ne manquent jamais de se faire jour malgré les lois, malgré les traités, malgré les considérations de la politique ou de la morale théorique, pour ne pas comprendre ce qu’une telle situation doit souvent produire d’impatience chez les Anglais ; Sas voisins n’étant pas plus que nous des anges, c’est une conséquence naturelle. Avouons même que, si les rôles pouvaient être intervertis, nous penserions probablement comme eux ; nous nous exprimerions peut-être autrement, mais au fond nos sentimens pourraient bien être les mêmes que les leurs.

Ce n’est là d’ailleurs que la donnée générale de la situation. Il semble que, dans le détail, le hasard des événemens se soit plu à multiplier les piqûres que ressent si vivement l’orgueil britannique. À la paix générale de 1815, les Anglais avaient dû se croire en droit de penser que, toutes les marines de l’Europe ayant tour à tour succombé dans les guerres de la révolution, l’empire des mers leur appartenait définitivement ; mais voilà que, deux fois abattue par eux, sous Louis XIV et sous Napoléon, la marine française se relève bientôt, et pour jouer sur la scène du monde un rôle qui ne le cède en rien à celui que la mariné anglaise elle-même a joué depuis cinquante ans.

Depuis 1815 en effet, la marine anglaise n’a fait sans nous que trois entreprises importantes : le bombardement d’Alger par lord Exmouth, la campagne de 1840 sur la côte de Syrie, la première expédition de Chine en 1842. — Le bombardement d’Alger fut une opération des plus vigoureuses et digne de compter parmi les hauts faits de l’histoire militaire. On n’en saurait dire autant de la campagne