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hommes de mer aussi habiles que lui ; mais il n’y avait pas un homme comme lui pour réunir en un vigoureux faisceau tous les talens épars autour de lui sans inspirer de défiance à aucun amour-propre légitime, pour entrer dans l’intimité de ses inférieurs sans rien compromettre de la dignité du commandement, pour enflammer les imaginations par l’éclat des succès obtenus, pour opposer à tous les contre-temps une bonne humeur plus sereine et plus enjouée. Il savait rendre aimable l’austérité du devoir. Le pays doit une reconnaissance sérieuse à sa mémoire, et aujourd’hui, si nous avons remplacé ses canons et ses vaisseaux par des canons et des vaisseaux encore plus parfaits, si nous employons des instrumens très supérieurs à ceux qu’il contribua tant lui-même à perfectionner, il convient de se souvenir aussi que le germe de la plupart de ces progrès se retrouve dans les travaux de l’amiral Lalande, comme dans les qualités que déploient nos officiers et nos matelots sur toutes les mers du monde on peut deviner encore les traditions de son école.

En résumé, cette période que nous avons cru pouvoir appeler les derniers jours de la marine à voiles a été aussi le commencement d’une ère nouvelle pour notre armée navale. L’impulsion donnée à la marine n’a pas cessé de se faire sentir depuis. L’escadre de la Méditerranée ou l’escadre d’évolution, entretenue sous tous les régimes et commandée par des hommes de mérites divers, n’a pas cessé de produire des fruits excellens. Soit qu’avec l’amiral Lalande elle pose les bases sérieuses de la discipline et de l’organisation d’une armée navale agissante, soit qu’avec M. le prince de Joinville, lors de l’apparition des grands bâtimens à vapeur, mais à roues, elle s’ingénie à trouver pour les deux services de la voile et de la vapeur les combinaisons qui ont produit de si bons résultats pendant la guerre de Crimée, soit qu’avec l’amiral Le Barbier de Tinan elle étudie la tactique des vaisseaux à hélice, nous la voyons toujours à la tête de son art, perfectionnant les méthodes, développant les principes, révélant les progrès à faire, sachant ramener à un corps de doctrines générales les idées nouvelles qui se manifestent, et qui subissent avec quelque avantagé les épreuves, de la pratique. Ceci nous mène à parler plus particulièrement de la marine à vapeur et de la part que la France peut réclamer dans les merveilleux progrès que ce nouveau moyen d’action navale a faits depuis un si court espace de temps.


XAVIER RAYMOND.