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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/662

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cacha pas qu’il dépendait d’eux de le voir s’acheminer vers la résidence de leur souverain ou rester sur le littoral. Si les plénipotentiaires avaient pour les demandes de la France la considération qu’une aussi puissante nation mérite, tout se passerait à Canton ; dans le cas contraire, il se pouvait que le ministre français jugeât utile d’aller traiter directement avec l’empereur.

Sur ces entrefaites, le traité de Whampoa, traité d’amitié et de commerce qui laissait tout à fait en dehors la question religieuse, fut signé. La discussion des articles n’avait soulevé que peu d’objections ; mais les plénipotentiaires sentaient bien que la signature du traité ne mettait pas fin aux négociations. Quand ils avaient protesté de leur haute estime et de leurs sentimens d’affection toute particulière pour la France, M. de Lagrené les avait arrêtés en faisant remarquer qu’ils n’avaient guère donné de preuves de ce bon vouloir : peu d’années auparavant, des Français saisis sur leur territoire avaient été odieusement maltraités ; aujourd’hui encore des Chinois appartenant à un culte religieux que le souverain des Français tenait à honneur de professer étaient pour ce fait même déclarés criminels par les lois de leur pays. Et comme les plénipotentiaires alléguaient l’impossibilité de modifier les codes de l’empire, M. de Lagrené leur répondait qu’il ne demandait aucun changement, qu’ils étaient mieux en mesure que lui de reconnaître si leur intérêt bien entendu conseillait des modifications, mais qu’il ne fallait pas parler d’alliance intime tant que des articles qualifiant crime la profession du christianisme figureraient dans le code chinois.

Le désir de se ménager des alliés décida enfin les plénipotentiaires chinois à entrer en pourparlers au sujet de la révocation des édits contre les chrétiens. On convint que la meilleure forme à y donner serait celle d’une pétition adressée par Ki-yng à son souverain, pétition qui serait ensuite revêtue de l’approbation officielle de l’empereur. Quand le principe eut été posé par les Chinois eux-mêmes, on débattit les termes dans lesquels la pétition serait faite. La négociation fut longue. Les Chinois sont très minutieux, et depuis le commencement de nos rapports avec eux nous les avions vus plus d’une fois mêler aux discussions les plus graves des observations puériles. Ainsi, lorsqu’on rédigea le préambule du traité de Whampoa, ils ne voulurent pas qu’on dît : « L’empereur de la Chine et ses successeurs, » assurant qu’il était irrespectueux de prévoir le cas où un souverain mourrait. Souvent aussi les questions de mots cachaient des pensées plus sérieuses, et le tribunal des rites de Pékin s’abritait derrière un synonyme pour ménager à la fois les ambassadeurs européens et les préjugés du public chinois. Peu de temps après son arrivée, M. de Lagrené fut prévenu