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ne se lassent pas, et c’est un admirable spectacle que celui de ce continent, champ de bataille de la science, où, dès qu’un soldat tombe, un autre se lève pour le remplacer ! C’est ainsi, lorsque Richardson, puis Overweg ont succombé sous leurs fatigues, que le jeune Vogel s’est offert, victime bientôt lui-même du sauvage despote auquel il venait apporter des paroles de paix et de civilisation.

On verra que la nouvelle liste des voyageurs a aussi son martyrologe. Néanmoins ceux qui sont revenus ont de plus en plus resserré les limites de l’inconnu ; ils ont touché à tous les points incertains à la fois. Dans le midi, Livingstone poursuit sur le bassin du Zambèze et de ses affluens les explorations qui l’ont rendu célèbre. En même temps des missionnaires et des chasseurs transportent leur vie errante sur des lacs et des fleuves jusqu’ici inconnus. Plus au nord, la question des grands lacs et la topographie de l’Afrique sous l’équateur s’éclaircissent. La foule des explorateurs se presse à la fois par le sud, par l’est, par le nord, vers ces sources mystérieuses du Nil que les hommes cherchent depuis deux mille ans. Enfin, de l’Algérie au Sénégal, un jeune Français, préparé par des études spéciales, animé et soutenu par l’exemple de Barth, recherche la voie qui passe par Tombouctou, problème difficile que la France a proposé à la curieuse ardeur de ses enfans.

Nous allons suivre ces divers voyageurs en essayant de mesurer les résultats produits par l’ensemble de leurs efforts. Parmi les notes qu’ils nous ont envoyées et les relations qu’ils nous rapportent, il en est une surtout qui nous livre de précieux renseignemens. M. Burton, explorateur des lacs de l’Afrique centrale et des régions qui les entourent, ne nous donne pas seulement des rectifications géographiques ; il nous offre un tableau complet deîa vie africaine, de ses habitudes, de son état intellectuel et social au cœur de l’Afrique, dans les régions que l’influence étrangère a le moins atteintes ; il éclaire ainsi, dans quelques parties intéressantes, le problème compliqué de l’avenir du continent noir.


I. — LA TERRE ET LA LUNE.

En 1856, la Société Géographique de Londres résolut de tenter une expédition décisive pour compléter l’éclaircissement des problèmes de l’Afrique intérieure. Ces lacs signalés par des missionnaires d’après des renseignemens indigènes, il fallait qu’un voyageur européen en vérifiât l’existence, qu’il recherchât s’ils se rattachaient au bassin formé par les montagnes chargées de neige qui venaient d’être découvertes, et si le Nil ne tirait pas ses sources de ces masses d’eau répandues par-delà l’équateur. La société jeta