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désert. La partie du Sahara que le voyageur franchit était dénuée d’eau douce dans une longueur de 326 kilomètres, et l’on n’y voyage que la nuit à cause de l’intolérable chaleur du jour.

R’adamès, aux portes du désert, à deux cent cinquante lieues d’Alger, est enveloppée dans une forêt de palmiers. Toutes les rues sont abritées contre la chaleur. Le voyageur y fut bien reçu et y trouva une occasion de se rendre à Tripoli. Il visita le Djébel-Néfoussa, contrée montagneuse encore inexplorée, et qui est couverte de ruines romaines. Elle a de nombreux villages ; sa principale richesse consiste dans la culture de l’olivier. De retour à R’adamès, M. Duveyrier espérait visiter R’at ; mais le fanatisme aveugle des indigènes lui en a fermé les portes et lui a interdit le chemin d’Aïn-Salah, qui promettait une abondante moisson de notions nouvelles. Cependant il résolut de tenter un effort, et s’avança jusque sous les murs de la ville ; mais on ne l’y laissa pas entrer. Il dut se retirer, et son retour s’opéra par Mourzouk et Tripoli ; il rentra à Alger à la fin de 1861. Là, le jeune explorateur a payé son tribut au climat de l’Afrique, et quelque temps sa vie a paru en danger. Il est prêt aujourd’hui à reprendre le chemin sur lequel il a fait déjà de si courageux efforts.

Cette ville de R’at, aux portes de laquelle le voyageur français a dû s’arrêter, avait été ouverte, quelque temps avant son entreprise, à un Arabe algérien, interprète au service de notre armée, qui a rapporté des renseignemens intéressans sur cette ville africaine. L’interprète Bouderba a franchi en quatre mois les 1,395 kilomètres qui séparent Alger de R’at. Il était parti de Lagouath en août 1858 avec quelques hommes et vingt-cinq chameaux portant de l’eau et des provisions. Ce trajet fut pénible ; souvent les puits étaient desséchés, ou ils n’offraient qu’une eau impure. Environ à moitié route, au-delà de l’oued[1] Tarai, dont les berges ont 40 et 50 mètres d’élévation, la caravane gravit le plateau aride de Ter’ourit et parvint au passage appelé Idara-hedjeren, « difficile à franchir ». C’est un rocher haut de 15 mètres, qui est jeté en travers du sillon tracé par les caravanes dans le désert. Au pied de l’Idara est un grand amas de cailloux servant à un exercice auquel ont l’habitude de se livrer en ce lieu les voyageurs ; Ils lancent pardessus le bloc un de ces cailloux, et s’ils le dépassent et que la pierre retombe de l’autre côté, ce qui est l’indice d’une grande vigueur, ils ont l’honneur d’inscrire leur nom sur le grès tendre du rocher. Plus loin se dresse encore une suite de rochers se rattachant à la chaîne de Ksar-el-Djenoun, qui vient aboutir à R’at.

  1. On donne le nom d’oued au lit des torrens qui se forment après les pluies.