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cause. Chez ces peuples asiatiques, il y a deux systèmes de vases et d’ustensiles de poterie. Les uns, fort simples de décor, ne sont remarquables que par la beauté des lignes et de la couleur ; les autres, plus riches, y ajoutent le luxe des tableaux et la variété des tons. Les premiers se contentent de reliefs dans la surface représentant des fleurs, des poissons, des arabesques, ou bien des ondes pour simuler l’eau, ou encore un pointillé imitant, soit des œufs de carpe, soit la peau d’une orange, soit aussi ce réseau nommé craquelé, soit enfin ce flambé si recherché des connaisseurs. D’autres fois des parties à jour, des anses composées d’animaux fantastiques donnent une variété de lignes qui ne dérange en rien la pureté de la forme générale et ajoute seulement à l’élégance. Alors le ton, habilement choisi et nuancé sur lui-même, compose un ensemble simple, mais réjouissant à l’œil et plus décoratif mille fois pour un appartement que nos vases couverts de peintures et de dorures. C’est comme une pierre précieuse qui brille de son propre éclat, — la turquoise, l’améthyste ou le rubis, — dont les nuances sont merveilleusement reproduites. Dans ce cas, la couleur n’est qu’un agrément ajouté à la forme.

Nous voudrions donc avant toute chose voir la manufacture de Sèvres chercher, comme celle de King-te-tchin, ces couleurs unies, mais non pas uniformes, c’est-à-dire modulées, vibrantes, comme l’exigent les lois de la couleur, et qui, par l’éclat et la finesse des nuances, valent tous les sujets décoratifs les mieux réussis. Qu’elle exécute des vases d’un galbe aussi pur, n’ayant pour tout ornement à la surface qu’un relief à peine saillant, ou un simple craquelé ; qu’elle tente ces bleus lapis mouchetés d’un bleu supplémentaire, ces violets de l’iris flambes d’or et de vermillon, ces rouges irisés, ces bleus vert de cuivre qui sont d’un si bel aspect, ces roses, ces jaunes et ces verts céladon ; quand elle sera assurée de ses fonds, viendra l’ornementation, qui doit rester toujours dans les effets les plus simples. Loin de là, elle passe son temps à chercher toutes ces gammes de tons rabattus si péniblement trouvés à force d’essais, d’argent et de patience, et si funestes à la décoration céramique, car ils n’ont leur raison d’être que dans la peinture à l’huile. C’est là l’erreur funeste, c’est là le vice inhérent à tout ce qu’enfante la manufacture de Sèvres. La chimie, qui domine tout ici, ne veut admettre que les procédés mathématiques et les formules certaines. Les seules couleurs dont elle fait cas sont celles de grand feu ; peu lui importe le charme de la nuance. Ainsi cet oxyde de chrome dont Sèvres est fière d’avoir fait la découverte en 1802, et qu’elle emploie à outrance, donne des verts et des jaunes détestables et toujours inharmoniques. Voyez ces paysages, ces arbres et ces gazons