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flotter le long du bord. Il en résulte que les objets sollicités par ce courant peuvent venir s’engager dans la cage de l’hélice et arrêter les mouvemens de cet organe vital. Les exemples d’accidens de ce genre sont assez nombreux, et même il a quelquefois suffi d’objets de très faibles dimensions pour les produire. Dans le démâtage de la frégate l’Isly, de 600 chevaux, on a vu l’un des bouts de corde que l’on avait dû couper et jeter en toute hâte par-dessus le bord venir s’enrouler autour de l’hélice et la condamner à l’inaction. Le beau temps revenu, on fit de vains efforts pour la débarrasser de cette entrave, si misérable en apparence. Même avec le secours de la cloche à plongeur, on n’y put réussir ; il fallut renvoyer la frégate dans les bassins de Toulon. Aussi la Gloire, si elle se présentait au feu, ne le ferait-elle qu’après avoir amené sur le pont sa mâture et son gréement. C’est un parti qui semble être pris chez nous d’une façon définitive. Les Anglais n’ont pas encore adopté cette solution rigoureuse, mais, par un nouveau compromis entre l’esprit ancien et moderne, l’amirauté vient de décider que les bas mâts de ses nouvelles frégates seraient en fer forgé, au lieu d’être en bois. C’est un moyen de tourner la difficulté jusqu’à un certain point.

Ajoutons que l’expérience permet aujourd’hui de commencer à se faire une opinion sur le mérite relatif des deux bâtimens. La Gloire, armée depuis bientôt deux ans, n’a pas cessé de naviguer. Elle a fait trois voyages, aller et retour, à Alger, elle en a fait un à la voile en Corse ; elle a fait de très nombreuses sorties du port de Toulon, et surtout par les mauvais temps, que l’on a recherchés. comme occasions d’études et moyens d’éprouver les qualités nautiques de cette frégate. Nous ne dirons que la vérité simple en affirmant qu’il n’est pas une de ces épreuves dont elle ne se soit tirée à son honneur. À la mer, elle n’a rien perdu de la vitesse qu’elle avait donnée aux essais, et quoiqu’elle ait affronté les coups de vent les plus redoutables, comme celui par exemple où la mer furieuse démolit les parois de poulaine du vaisseau de 900 chevaux l’Algésiras, qui naviguait de conserve avec la Gloire, elle n’a pas fait une avarie qui l’ait forcée, même pour un seul jour, d’entrer au bassin ou au port. Elle est restée en tout temps, à toute heure, prête à tous les services dont on aurait voulu la charger. Le Warrior n’a pas subi autant d’épreuves. Après une course au large de quelques jours, il a fait cet hiver le voyage de Lisbonne et de Cadix, d’où il est revenu pour entrer au mois de mars dans le bassin de Keyham, où il se trouve encore en réparation. Nous ne connaissons pas assez exactement l’histoire de ce voyage pour, pouvoir en parler avec certitude ; nous savons cependant que l’effet produit dans l’opinion des marins anglais n’a pas été très favorable. Le Warrior est accusé d’avoir perdu au large une bonne proportion de la vitesse qu’il avait