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chose qu’il ne faut accepter qu’avec une très grande réserve, comme la véracité des bulletins militaires, qui était passablement contestée jusqu’ici, et que les bulletins datés des bords du Potomac ou du Wabash n’ont pas relevée à nos yeux. Ce qui fait honneur aux Américains dans cette circonstance, c’est la prodigieuse fécondité de ressources qu’ils ont déployée, c’est l’industrie avec laquelle, par exemple, les gens du sud, réduits aux moyens d’un arsenal ruiné, comme celui de Norfolk, étaient parvenus à composer tant bien que mal une armure au Merrimac. Ce qui fait qu’on ne doit pas parler légèrement du matériel qui est en quelque façon sorti de terre aux États-Unis, c’est qu’en définitive ce matériel, conçu pour une guerre à poursuivre sur un territoire particulier, et exécuté avec une rapidité merveilleuse, a suffi pour de grandes opérations et pour de grands résultats. Voilà qui est juste et vrai ; mais, auprès de nos Gloires et de nos Warriors, les Merrimacs et les Monitors ne pourraient que perdre énormément à la comparaison. D’abord ce sont des navires qui ne peuvent pour ainsi dire pas tenir la mer ; en second lieu, ils sont armés d’une artillerie qui paraît presque plus capable de faire du mal à ceux qui l’emploient qu’à ceux contre qui elle est employée, comme on l’a vu à la dernière sortie du Merrimac, comme on vient de le voir encore devant le fort Darling à bord du Nangatuck. En troisième lieu, si l’artillerie de ces navires est fort inférieure à celle qui arme nos bâtimens européens, leur système défensif ne pourrait probablement pas non plus souffrir la comparaison avec nos plaques et nos cuirasses. Nous avons rappelé le sort des bâtimens cuirassés du sud qui auraient été détruits par des navires en bois ; nous pouvons également invoquer l’exemple de ce qui vient d’arriver sur le James-River devant le fort Darling. Le rapport du lieutenant Jeffers, commandant le fameux Monitor, nous dit que son navire et la Galena, combattant les batteries de la terre à une distance qu’il estime à environ mille yards et l’un à côté de l’autre, ont été tous les deux atteints par les projectiles de l’ennemi, des boulets sphériques de huit pouces. Le Monitor, dit-il, a reçu trois boulets, un sur la guérite qui porte ses deux pièces de canon, les deux autres sur la cuirasse de ses flancs. Aucun de ces coups n’a traversé, mais les plaques en ont été bended, faussées, gauchies. Il suffit d’accuser de pareils résultats pour que plaques et artillerie soient jugées. Or plaques et artillerie ne sont pas seulement des détails, c’est aussi l’expression la plus certaine dès qualités militaires du bâtiment cuirassé, et c’est un sujet qui mérite une étude parti culière.


XAVIER RAYMOND.