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les tours du moyen âge m’apparurent de loin. De là, la route descend vers le fleuve Cecina. Les terrains que l’on traverse sont incultes, composés de roches serpentineuses et de gabbri, au milieu desquels se rencontrent une partie des filons cuprifères de la Toscane. Aussi les recherches de mines ont-elles été nombreuses en ces localités, à Libbiano, à Monte-Castelli et à la Cavina, vers les bords de la Cecina. Je ne tardai pas à traverser le fleuve sur un magnifique pont suspendu.

Avant de monter à Volterra, qui se dessinait à ma droite sur les hauteurs où depuis trois mille ans se développent ses murs cyclopéens, je m’arrêtai aux salines de Val-di-Cecina, propriété des princes de Toscane depuis le temps des Médicis. La construction de l’usine actuelle date de Pierre-Léopold, le célèbre réformateur, qui eut la gloire d’introduire sans secousse dans le grand-duché les améliorations et les progrès auxquels nous ne sommes arrivés en France que par la révolution de 1789. L’usine, successivement agrandie par le successeur de Pierre-Léopold et par le dernier grand-duc, comprenait, quand je la visitai, quatre immenses chaudières de concentration et deux chaudières de cristallisation. Le tout était disposé sous de vastes toitures et au milieu d’un grandiose établissement. La quantité de sel obtenue était, me dit-on, de 12,000 kilogrammes par jour. Les cristaux sont d’un blanc de neige, parfaitement secs, et on les cite avec raison comme les plus beaux et les plus purs qu’on puisse voir. Les eaux d’où on les retire traversent des couches d’argile salifère qu’on appelle les moje, et qui sont situées sous le sol, à d’assez grandes profondeurs. On amène ces eaux au jour avec la sonde, comme on fait pour les puits artésiens. Les gîtes sont à quelque distance de l’usine. Des canaux en bois, grossièrement établis, conduisent les dissolutions salines dans un grand réservoir ; de là elles passent dans les évaporateurs et enfin dans les cristallisoirs, où le produit se dépose. Les argiles qui contiennent ce sel le renferment d’ordinaire à l’état microscopique, et il est probable qu’elles doivent leur composition particulière à des eaux salées sous lesquelles elles se seront déposées à l’époque de leur formation géologique. Tout le sel ne vient pas de la mer, et dans l’est de la France on rencontre, surtout dans la Meurthe, des gîtes analogues à ceux de la Toscane.

Des salines, je montai à Volterra, et le long du chemin je pus apercevoir quelques-unes de ces carrières d’où l’on retire l’albâtre. Les plus importantes sont cependant à la Castellina, village peu éloigné de Volterra. La pierre, travaillée dans l’une et l’autre localité, est ensuite expédiée dans le monde entier à l’état de vases, de coupes, de chandeliers, de socles et corps de pendules, de statuettes ; on lui donne en un mot ces mille formes diverses que tout