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de forme massive, légèrement inclinés l’un vers l’autre, et d’une plate-bande rectiligne les reliant par le haut. Les hypogées de l’Etrurie ne nous laissent là-dessus aucun doute.

On rencontre à Volterra plusieurs de ces chambres sépulcrales où les tombes sont rangées par ordre ; elles sont taillées dans l’albâtre, de petites dimensions, et ornées de bas-reliefs. En enlevant le couvercle qui les ferme, on retrouve des os à moitié calcinés par le feu. Les bijoux, les vases et autres objets d’art qu’on déposait au milieu des cendres du défunt ont disparu. Les Romains, puis les Barbares, enfin les Toscans modernes ont successivement mis la main sur ces précieux objets, et violé les tombes étrusques, comme on dit encore en Italie. Plusieurs de ces sarcophages ont été portés au musée des Uffizi, à Florence ; la plupart sont au musée de Volterra. Enfin on en a laissé un certain nombre dans les hypogées que l’on montre aux étrangers près de la ville. C’est là, en dehors d’une autre porte romaine, dite de Diane, qu’était la grande nécropole. Presque toutes les chambres souterraines ont été, comblées ; dans celles restées ouvertes, on a rempli les tombes d’os d’emprunt, à la grande mystification des touristes anglais, qui, ne soupçonnant pas la supercherie, emportent tous un échantillon avec un soin religieux.

Mon cicérone Ruggiero, qui me confessa le tour qu’on jouait aux voyageurs, était possesseur de quelques médailles étrusques trouvées à Volterra. Cette ville battait monnaie comme Populonia ; elle était du reste l’une des douze capitales de la confédération tyrrhénienne du centre. Les monnaies de Volterra sont en bronze ; elles ont le même diamètre et plus de poids encore que celles de Populonia à cause du relief plus proéminent ou mieux conservé des figures. Celles-ci sont les mêmes : c’est surtout le Janus à deux têtes et la Minerve en casque. Sur l’exergue se lit circulairement et de droite à gauche le nom de Volterra, en étrusque Velalhri, et au milieu s’élève un objet indéterminé ressemblant à une massue. Avec ces monnaies, Ruggiero possédait également quelques pierres gravées, arrachées à des bagues ; mais après mûr examen j’eus tout lieu de le soupçonner aussi de faire là-dessus la contrebande, comme la plupart des guides italiens. Il ne sut pas ruser assez habilement, et parmi les pierres qu’il me montra, un jaspe, fort beau d’ailleurs et fort bien gravé, portait un petit Cupidon les yeux bandés, et pour épigraphe amour et foy. Quelque beau cavalier français venu à la suite de Charles VIII en Italie aura laissé ce souvenir à une dame de Volterra, et par une suite de vicissitudes qu’il est aisé d’imaginer, la pierre et peut-être l’anneau seront tombés aux mains de Ruggiero. Ce cicérone était bien au demeurant le meilleur fils du monde, et le plus original de tous les guides que j’aie rencontrés en Italie. Au sujet de ses pierres gravées de toute époque, et qu’il donnait imperturbablement