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Para, Santarem, Manaos, présentent une apparence assez grandiose due aux façades blanches de deux ou trois églises, du palais présidentiel et de maisons à un étage appartenant à des négocians portugais ; les autres constructions ne sont que des huttes dont un incendie ferait en une nuit disparaître jusqu’aux dernières traces. Il serait inutile de chercher dans ces capitales un hôtel digne de ce nom. Si l’on n’est pas muni de lettres d’introduction pour un des notables, il ne reste qu’à mendier l’hospitalité ou bien à s’abriter dans quelque affreux taudis habité par la vermine. Les boutiques sont nombreuses, car tout riverain de l’Amazone a son petit fonds de commerce ; mais, à l’exception des produits du pays, on ne trouve dans ces échoppes que les objets les plus indispensables. Quant aux. livres, ils sont à peu près inconnus ; les grandes villes sont les seules à posséder quelques écoles peu fréquentées, et de l’embouchure du fleuve à la frontière péruvienne il n’existe d’autres médecins que des flibustiers d’Europe et. les sorciers indigènes. Cependant là où la civilisation n’existe pas encore, les raffinemens de la mode ont déjà pénétré, et tel négociant qui n’a peut-être pour toute nourriture que du manioc et du poisson endosse religieusement l’habit noir, échange des cartes de visite avec ses amis et envoie des invitations de bal imprimées en lettres d’or.


II

La population des deux provinces brésiliennes d’Amazonas et de Parà, évaluée approximativement à 250,000 âmes, est loin d’être homogène ; elle se compose en grande partie d’individus de sang mélangé appartenant à la fois par leurs ancêtres aux trois souches, blanche, rouge et noire ; mais les races pures sont aussi représentées, et l’on peut observer toutes les nuances de la peau, depuis le blanc le plus délicat jusqu’au noir le plus velouté. Les brancos forment partout la classe supérieure, ainsi qu’on doit s’y attendre dans un pays d’esclavage ; cependant, grâce à la tolérance avec laquelle on. regarde les unions contractées entre les blancs et les femmes métisses ou de sang mêlé, la caste noble peut se recruter dans les castes inférieures, et le nombre des caucasiens vrais ou prétendus augmente sans cesse dans une forte proportion. Quant aux noirs esclaves, ils sont beaucoup moins nombreux sur les bords de l’Amazone que dans les provinces du littoral atlantique. À Parà, ils sont environ quatre mille et forment ainsi le sixième ou le septième de la population, mais plus avant dans l’intérieur ils sont plus clairsemés relativement au chiffre des blancs et des Indiens. La ville de Manaos, près du confluent du Rio-Negro et du Solimoens, compte seulement 380 esclaves sur 8,500 habitans. Enfin, dans la région