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duction de la charge et assez bien fermé pour résister à une pression qui s’élève, dans les gros calibres, jusqu’à des milliers d’atmosphères. Il va de soi qu’en emprisonnant, ne fût-ce que pour un centième de seconde, de pareilles puissances dans un tube de métal, il faut éviter autant que possible d’y laisser aucun interstice, si petit qu’il soit, par où ces puissances puissent chercher à s’échapper. Elles se précipitent en effet avec fureur dans le moindre espace qui reste libre ; le plus léger défaut d’adhérence rigoureuse entre les parties qui composent l’appareil de culasse est pénétré, envahi, fouillé, rongé par elles avec une force qui a bientôt mis tout le système hors de service. La difficulté n’a jamais été de faire un canon à chargement par la culasse qui pût tirer quelques coups, mais de produire, comme disent les gens du métier, une obturation assez complète pour que la pièce fût capable de résister à un tir quelque peu soutenu. Là est la difficulté qui avait arrêté jusqu’ici tous les inventeurs.

Voici comment sir William Armstrong s’y est à son tour pris pour la résoudre. Il a commencé par prolonger la culasse de sa pièce, et dans cette prolongation il a creusé intérieurement un vide destiné à un double usage : d’abord à introduire la charge, à recevoir ensuite une vis qui ferme la pièce. Néanmoins, quelque habilement faite que fût cette vis, comme il fallait qu’elle eût un certain jeu et qu’elle ne fût pas trop dure à manœuvrer, elle ne pouvait pas suffire à protéger la bouche à feu avec efficacité contre le danger des affouillemens, contre les causes de ruine que produit l’explosion des gaz. Il n’a pas pu par conséquent l’employer comme moyen de fermeture unique. Il a imaginé d’introduire entre elle et la charge de poudre un nouvel organe que les Anglais appellent indifféremment stopper, obturator, vent-piece. L’office essentiel et délicat de cet organe est de produire l’obturation en s’insérant entre la charge de poudre et la vis, qui ne sert plus qu’à le maintenir lui-même en place ; mais, trouvant alors qu’il était impossible de le faire parvenir à son poste par le passage de la vis, parce que c’eût été long, difficile et peu sûr, et aussi parce que cet obturateur devait, pour donner quelque garantie d’efficacité, être d’un plus grand diamètre que celui de la vis elle-même, sir William Armstrong a pratiqué dans la paroi de son canon, en arrière de la chambre où se dépose la charge, une ouverture qui sert à la mise en place de cet organe. Son obturateur est, comme on voit, le véritable souffre-douleur de tout le système. Entre la poudre et la vis, il est, comme on dit familièrement, entre l’enclume et le marteau, et en même temps, pour remplir convenablement son office, il faut qu’il soit construit avec une exactitude toute mathématique, et qu’il la conserve toujours, ayant à se défendre contre l’envahissement des gaz sur tout le développe-