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s’agit, certains engraisseurs donnent toujours la préférence à l’espèce bovine. Entassés dans des bergeries souvent trop étroites où l’air se vicie, marchant sans cesse, ne fût-ce que pour se rendre au pâturage, sur la trace de troupeaux étrangers dont le passage seul peut laisser des germes de contagion, les moutons sont en effet, parmi nos animaux domestiques, ceux sur lesquels sévissent le plus fréquemment des maladies, soit contagieuses, soit épizootiques, assez graves. Dans les contrées sèches et humides, c’est le sang de rate[1]; dans les contrées humides, c’est la cachexie aqueuse[2]; partout c’est le piétin[3] et la gale parfois la clavelée, qui causent aux bergeries, et principalement aux bergeries mal conduites, de cruels mécomptes. Comme le tempérament un peu débile des bêtes ovines souffre beaucoup des variations trop brusques de la température, et que les pluies fréquentes leur sont très funestes, on doit comprendre combien de soins exige la conduite d’animaux que leur nombre, leur délicatesse et leur peu d’intelligence exposent sans cesse à de sérieux accidens. Aussi, tant vaut le berger, tant vaut le troupeau. Dans une foule de fermes, on a le tort de confier à des enfans ou à d’ineptes valets le soin des moutons. Peut-être l’isolement dans lequel vit le berger et ses habitudes nomades finissent-ils par exercer sur son caractère, parfois même sur sa moralité, une fâcheuse influence : ce n’est pas toujours le domestique le plus commode à diriger; mais comme c’est celui qui doit le plus souvent agir d’après sa propre initiative, ce devrait être au moins le plus intelligent. Bien mauvaise est l’économie qui consiste à confier son troupeau à un berger incapable.

L’Alsace, la Franche-Comté et la Lorraine à l’est de la France, le Maine, l’Anjou et la Bretagne à l’ouest, ne possèdent pas de nombreuses bergeries. Au contraire l’Ile-de-France, l’Orléanais, la Champagne, le Berry, l’Artois et la Picardie nourrissent beaucoup de moutons. Le sud tout entier et principalement le sud-est, enfin, dans le centre même du pays, la Marche, le Limousin et l’Auvergne entretiennent une grande quantité de bêtes ovines. Cependant on ne suppose pas qu’il existe en France plus de 35 millions de moutons. En les calculant, comme il convient de le faire, à raison de

  1. La Beauce à elle seule perdrait chaque année, lit-on dans le Recueil de Médecine vétérinaire (n° de février 1862), pour 3 millions de francs de bestiaux par le sang de rate.
  2. J’ai vu, dans des années humides comme celles dont l’agriculture française a tant souffert dernièrement, des troupeaux entiers disparaître en peu de mois sous les atteintes de cette cruelle maladie.
  3. Le piétin paraît être une variété de la maladie aphtheuse qui porte le nom de cocotte quand elle affecte nos bêtes bovines. Le Journal d’Agriculture pratique a donné dans les n° du 20 novembre 1861 et du 20 février 1862, relativement au piétin, deux articles que nous croyons devoir signaler à l’attention de nos lecteurs.