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nent, pour faire obtenir aux protestans de leurs états un peu d’adoucissement et de liberté, il ne pouvait décemment faire exécuter lui-même, dans toute leur rigueur, les lois contre les catholiques. D’ailleurs ceux-là mêmes des papistes à qui il accordait leur mise en liberté ne sortaient de prison que sous de bonnes cautions et les fers encore aux pieds, car ils ne continueraient à jouir de cette grâce qu’autant que leur propre conduite et le succès des négociations du roi en faveur des protestans du continent en justifieraient la concession. »

La cour de Madrid accueillait bien ces mesures, et semblait faire, de son côté, des démarches pour les payer de retour. Le roi Philippe IV écrivait au pape Grégoire XV pour le presser d’accorder la dispense nécessaire au mariage[1], et à l’empereur Ferdinand II pour qu’il se prêtât aux négociations suivies à Bruxelles en faveur de l’électeur palatin. Il promettait même au roi Jacques de s’unir à lui pour faire recouvrer à son gendre ses états héréditaires, si l’empereur se refusait à un accommodement raisonnable. On disait chaque jour à Madrid que la dispense papale allait arriver. On parlait même de fixer, à quarante jours après qu’elle serait arrivée, la cérémonie des fiançailles, et à vingt jours après cette cérémonie le départ de l’infante pour l’Angleterre. On allait enfin jusqu’à faire indiquer à Philippe IV, par son conseil, les trois personnages qui convenaient le mieux pour accompagner sa sœur dans ce voyage, et Philippe désignait spécialement don Duarte de Portugal comme celui auquel il conférerait cet honneur[2]. Lord Digby, qu’en récompense de ses services le roi Jacques venait de faire comte de Bristol, lui mandait : « Je ne voudrais pas inspirer, sur des raisons incertaines, un vain espoir à votre majesté; mais je dois lui dire que la cour d’Espagne proclame hautement son intention de lui donner réelle et prompte satisfaction. Si ce n’est pas vraiment leur dessein, ils sont plus faux que tous les diables d’enfer, car ils ne sauraient faire plus de protestations de sincérité, ni de plus ardens sermens. »

  1. Voici le texte de cette lettre en date du 4 mars 1623 :
    « Très saint-père, le comte de Bristol, ambassadeur extraordinaire du roi de la Grande-Bretagne et chargé de suivre dans ma cour la négociation relative au mariage, m’a informé de la déférence avec laquelle le roi son maître a accordé tout ce qui a été demandé, de la part de votre sainteté, en matière de religion : la tolérance qu’on désirait a été concédée; mais ledit roi, n’ayant qu’un fils unique, déjà âgé de vint-trois ans, il lui importe de le marier promptement pour assurer la succession de sa couronne, laquelle, si le prince de Galles venait à manquer, irait à l’électeur palatin. Prenant ceci en considération et connaissant les dispositions du palatin quant à la religion catholique, j’ai cru devoir en informer votre sainteté et la supplier humblement de prendre une prompte et bonne résolution au sujet de la dispense qui lui a été demandée de ma part, en quoi je recevrai une singulière grâce et faveur de votre sainteté, comme le lui dira avec plus de détails le duc d’Albuquerque, à qui je m’en réfère. »
  2. 12 février 1623, documens espagnols inédits.