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La situation administrative et financière de la Grèce a été récemment soumise par les puissances protectrices à une enquête très impartiale et très lumineuse Le protocole du 7 mai 1832, dont nous avons indiqué les principales dispositions, stipulait, sous la garantie des puissances protectrices, un emprunt de 60 millions de francs en faveur du gouvernement hellénique, et lui imposait en même temps l’obligation de consacrer avant tout ses recettes effectives au paiement des intérêts, ainsi que du fonds d’amortissement. Cette obligation n’avait été qu’imparfaitement remplie pendant un temps très court et sous la pression de la nécessité. La Grèce s’en était complètement affranchie envers la France depuis 1838, et depuis 1843 envers les autres puissances. Elle fit bien figurer pendant quelque temps parmi les prévisions de son budget, sous le titre de restitutions à faire aux puissances, une somme qui montait environ au tiers des annuités dont elles étaient créancières[1] ; mais on savait que cette somme n’y était inscrite que pour mémoire et comme en témoignage d’une bonne volonté impuissante à mieux faire. Cependant il était d’usage qu’à l’ouverture de toutes les sessions législatives le ministère vînt à la tribune rassurer les élus de la nation et flatter l’opinion du pays en présentant une séduisante apologie de son système, accompagnée naturellement du compte-rendu des résultats excellens qu’il avait produits. Bientôt ce compte-rendu devenait un manifeste imprimé dans les journaux dévoués à la cour, distribué soigneusement aux légations et aux consulats, adressé en toute hâte aux organes les plus accrédités de la presse étrangère, destiné en un mot sinon à égarer les appréciations de l’Europe, au moins à caresser ses sympathies. — Il était naturel de se demander si l’administration hellénique était d’une bonne foi bien scrupuleuse lorsqu’elle prenait à tâche, en face de cette prospérité croissante, d’éluder les engagemens que lui avait créés l’emprunt. Le droit d’investigation et d’enquête résultait strictement, pour chacune des puissances, de ces engagemens et de cette apparente anomalie. Les événemens de 1856 offrirent à la France et à l’Angleterre l’occasion de l’exercer. On sait qu’elles avaient envoyé des troupes pour maintenir le gouvernement grec dans le respect des devoirs de la neutralité. L’occupation était devenue pour lui une humiliante contrainte et une gêne excessive, et d’un autre côté elle n’avait plus d’utilité réelle depuis la conclusion de la paix : on eût donc voulu de part et d’autre y mettre fin. On cherchait une transaction qui ménageât la dignité des partis et qui sauvegardât les intérêts des puissances occidentales en leur offrant désormais des garanties sérieuses.

  1. Une somme de 1,278,491 drachmes a été comprise sous ce titre dans les prévisions des budgets depuis 1848 jusqu’en 1852. (Le drachme vaut environ 90 centimes.)