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l’œuvre internationale de 1832, les données de la question d’Orient n’en seront que plus ardues et plus complexes. Si au contraire ils achèvent et couronnent cette œuvre laborieusement enfantée, s’ils affermissent par leur protection efficace le trône qu’ils ont établi, si leurs conseils réforment les abus qui minent sa base, développent les perfectionnemens déjà réalisés, corrigent les institutions politiques que ne comportent point les mœurs du peuple grec, et impriment à son génie une direction sagement nationale, ils auront grandement facilité la tâche que leur réserve peut-être un avenir prochain.

Ce n’est pas sans motif qu’en face des désordres politiques et des irrégularités administratives nous signalons les perfectionnemens obtenus. L’impartiale enquête dont nous avons présenté une courte analyse démontre que les bonnes intentions du gouvernement grec, les efforts de l’activité nationale et les généreux avis des puissances ne sont pas restés complètement stériles. Depuis 1845, les droits constatés par les budgets en faveur de l’état se sont accrus de 45 pour 100, et les revenus publics ont augmenté de 68 pour 100, ce qui établit, par des preuves incontestables, que la Grèce est sensiblement plus riche, et qu’elle paie beaucoup mieux ses impôts. En 1838, elle possédait 3,269 navires ou barques de toute grandeur, jaugeant ensemble 88,500 tonneaux; elle a maintenant plus de 4,000 bâtimens de commerce ou de pêche, qui mesurent 300,000 tonnes et portent 27,000 matelots. Ses relations maritimes et commerciales se sont considérablement étendues; les intérêts de son négoce, utilement servis par le concours zélé et le solide crédit de sa banque, ont prospéré. Son industrie et son agriculture, toutes négligées qu’elles soient, ont réalisé de grands progrès, puisque les exportations, qui s’élevaient en 1844 à 10 millions de drachmes, ont atteint en 1857 le chiffre de 22 millions. Enfin la Grèce n’est pas restée étrangère au mouvement intellectuel du XIXe siècle. La plupart de ses habitans ont pour l’instruction un goût très vif et une aptitude remarquable. Depuis trente ans, toutes les classes du nouveau royaume ont beaucoup étudié et beaucoup appris, et il serait aujourd’hui dans une situation florissante, si elles avaient su appliquer leurs théories par la sage pratique des vertus qui font la grandeur et la fortune de l’état en même temps que l’honneur et la richesse du citoyen.

Il est impossible qu’une nation à qui l’amour de la liberté inspira, il y a quarante ans à peine, de si nobles sacrifices, n’ait pas le germe de la plupart de ces vertus, et que l’heureuse influence des gouvernemens protecteurs ne puisse le développer rapidement. Il suffirait, croyons-nous, qu’on l’entretînt de ses propres intérêts dans un langage ferme, qu’elle pût comprendre, qui dominât la rumeur