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peut-être la plus grosse tâche du gouvernement hellénique : nous serions surpris que ses hommes d’état fussent capables de la remplir, s’ils n’étaient soutenus, aux yeux de tous, par le patronage énergique et désintéressé des puissances.

La bonne gestion de la fortune publique ne serait pas un des moins féconds résultats que produirait la réforme administrative. Le recouvrement et l’emploi des impôts seraient soumis au contrôle législatif et judiciaire que réclament les lois constitutionnelles, et qui ne voit que l’état mieux servi et plus riche, serait aussi plus respecté et mieux obéi? Les finances du royaume étant administrées au grand jour et se trouvant dans une situation plus heureuse et plus normale, le pays serait rassuré, les puissances créancières ne pourraient demander des sacrifices qui ne fussent point en rapport avec les ressources de la Grèce. Elle irait d’elle-même au-devant des engagemens qui la pourraient délivrer du lourd fardeau de sa dette nationale, et s’empresserait de les remplir au grand profit de sa dignité et de son indépendance.

Il est d’ailleurs un point délicat sur lequel la plus vulgaire prudence devrait appeler, ce nous semble, l’attention sérieuse des amis de la Grèce. Ne conviendrait-il pas d’ajourner momentanément et dans une certaine mesure la pleine et entière exécution des lois constitutionnelles qui la régissent? La charte que lui a donnée l’émeute de 1844 était-elle d’accord avec les mœurs, les traditions et les caractères, était-elle vraiment réclamée par les besoins du pays? Le terrain politique était-il bien préparé pour la recevoir? Au sortir du despotisme oriental et de douze ans d’anarchie, la nation pouvait-elle devenir capable en un jour de cette vie sage et réglée, de ces habitudes laborieuses et vigilantes, de cette initiative incessante et éclairée sans lesquelles les constitutions modernes ne sauraient être que des fictions impuissantes? Son éducation publique a-t-elle été complétée par les épreuves qu’elle vient de subir? Nos convictions sont faites à cet égard. Loin de nous sans doute la pensée qu’il faille restreindre ses libertés nationales. Nous croyons seulement que pour achever de les mûrir en paix, pour mettre la dernière main à son perfectionnement social, à sa transformation politique, il serait utile de fortifier pendant quelques années encore le gouvernement de la royauté; est-il besoin d’ajouter que les conseils des puissances ne lui feront pas défaut, et qu’il devrait provoquer lui-même, dans une intention largement conciliante, leur contrôle bienveillant et périodique?

Enfin la grande question de l’hérédité royale entretient dans le pays une vague inquiétude qu’il serait important de calmer. Il se peut que la nation se fût donnée tout entière à une famille; elle