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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/380

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et prit possession de la rive qui porte aujourd’hui la ville de Porto-Seguro, à plus de cent lieues au sud de Bahia, il n’avait fait que suivre l’impulsion du flot.

Ainsi privilégiée par la direction des courans qui viennent baigner son littoral, la partie orientale du Brésil ne l’est pas moins par son climat. L’hivernage y est mieux réglé que dans les provinces amazoniennes ; la température n’a pas cette moite chaleur des calmes équatoriaux, et la marche du soleil y entretient ce rhythme périodique des saisons si nécessaire aux constitutions européennes, accoutumées au flux et au reflux annuels de la chaleur et du froid. À une petite distance au sud de Rio-Janeiro, le Portugais des Algarves retrouve déjà une température moyenne égale à celle de son pays natal, et peut risquer sans trop de danger l’épreuve de l’acclimatation, parfois si redoutable. Aussi bien que le climat, le relief géographique du sol favorise la colonisation du Brésil oriental. Au sud du cap Saint-Roch, les régions du littoral ne sont pas de vastes plaines basses comme le territoire immense arrosé par l’Amazone et ses affluens ; mais, à l’ouest de la côte hérissée de rochers, le sol se relève, soit par terrasses successives, soit par un redressement soudain. Une barrière empêche ainsi les émigrans de se répandre au loin dans les solitudes où leurs forces isolées pourraient se perdre ; elle leur assigne dans les premiers temps une zone étroite de cultures et les retient dans un même groupe de familles ; elle les force à coloniser les embouchures des rivières et les rivages des baies admirables qui frangent le littoral, et, limitant l’espace où doit s’élaborer la civilisation, en augmente proportionnellement la puissance. Cependant, si de hardis pionniers franchissent la barrière qui défend l’accès de l’intérieur, ils atteignent des contrées analogues à celles de l’Europe par le climat et la végétation. De la zone des palmiers, ils montent graduellement jusqu’aux forêts d’araucarias, qui ressemblent à nos bois de conifères ; enfin ils arrivent au sommet de la chaîne et voient s’étendre au loin vers l’ouest le plateau accidenté des campos parsemés de bouquets d’arbres : c’est là que l’émigrant d’Europe retrouve l’air fortifiant, les froidures de son pays et ces terres qui, malgré leur fertilité naturelle, attendent néanmoins, pour produire, d’être sollicitées par le travail de l’homme. Cette disposition des chaînes côtières est un précieux avantage, à la fois pour la grande masse des émigrans qui peuvent se constituer d’autant plus fortement que leur territoire offre moins d’étendue, et pour les hommes d’initiative qui vont conquérir sur les plateaux un sol mieux approprié à leur travail. C’est ainsi que les arêtes des Alleghanys dans la Nouvelle-Angleterre, que les Petites-Cordillères, qui traversent le Chili parallèlement à la grande épine dorsale des Andes, ont exercé dans ces deux pays une